Je m’appelle Zakaria, j’ai 56 ans marié et père de trois filles. Mes soucis auditifs remontent au printemps 2000. J’étais à l’époque vendeur dans une boutique de jeux vidéo à Vitry Le François dans la Marne.
Mon passé avant l’implant cochléaire
Un beau matin du mois d’avril, j’ai entendu un étrange sifflement (Acouphènes) à l’oreille gauche. Je pensais que c’était passager, malheureusement 23 ans après, ce même acouphène est toujours là. Je consulte mon médecin traitant qui me renvoie vers l’ORL. Après plusieurs examens le verdict tombe 50% de perte auditive sur le côté gauche. La raison étant inconnue, l’ORL me dit que c’est possible que ça soit d’ordre viral et rajoute qu’il faut apprendre à vivre avec le handicap.
Pendant 8 ans j’ai eu une vie normale avec l’oreille droite et une partie de l’oreille gauche. Durant ces huit ans, j’ai remarqué une perte auditive du côté gauche et je croisais les doigts pour que l’oreille droite ne fasse pas pareil. Malheureusement ce que je craignais est arrivé en 2008. Un nouvel acouphène sur l’oreille droite. Nouveau RDV pris avec l’ORL, et d’entrée de jeu 50 % de perte auditive côté droit. Je sors avec une ordonnance, je dois me faire appareiller. J’ai tout de suite adopté ces appareils, qui au départ nous apportent un certain confort et améliorent notre quotidien. Mais au bout d’un certain temps les appareils deviennent insuffisants. On a l’impression qu’ils fonctionnent mal ou qu’ils se dérèglent. Mais la dure réalité, c’est qu’on est entrain de perdre notre audition. La courbe auditive décroit de mois en mois.
Mon plus grand souci, comme c’est le cas pour la majorité des malentendants, reste la compréhension. Quand on nous parle ou qu’on regarde la TV, on entend, mais le son perçu est crypté, difficilement identifiable et donc incompris. Mes premiers appareils auditifs étant devenus inefficaces, je change d’appareil 5 ans plus tard. Avec des appareils plus puissants, on retrouve tout de suite un nouveau confort et une certaine confiance. Malheureusement même des appareils aussi puissants affichent leurs limites, et la courbe décroit encore. On se pose la question jusqu’à quand ?
Entre temps il faut bien vivre et surmonter la vie quotidienne, que ce soit dans la vie familiale ou professionnelle. On a beaucoup de mal à se faire comprendre, y compris avec les proches. En réalité, tant qu’on n’a pas ce handicap, on ne peut pas réellement le comprendre.
Après 15 années passées en tant que commerçant j’ai fait une reconversion professionnelle. J’ai eu la chance de trouver un travail qui est adapté à mon handicap. Je suis devenu chauffeur de taxi et cela m’a beaucoup aidé. L’espace réduit dans une voiture favorise la compréhension de mes clients.
Mon présent avec l’implant cochléaire
Après 20 ans de perte auditive, ce que je savais déjà est arrivé. Je savais qu’un jour j’allais me réveiller totalement sourd. Ce jour-là est arrivé début janvier 2020. Au réveil, ma femme m’adresse la parole et je ne l’entends pas. Je vérifie que j’ai bien mes appareils auditifs et toujours rien ! Pour la première fois de ma vie je n’entendais quasiment rien.
Dix jours plus tard, j’ai un rendez-vous dans le service ORL du CHU de Reims. Après des consultations et de nouveaux examens, le professeur m’annonce qu’il n’y a plus grand-chose à faire et qu’il passe la main à son collègue, qui est spécialisé dans l’implant cochléaire. J’étais impatient et en même temps terrifié par ce RDV. Je demande à ma femme de m’accompagner, surtout pour être mon interlocutrice. Arrivé à la Clinique de champagne à Reims, je suis pris en charge par une équipe très sympathique et très professionnelle. Je signale au passage que le professeur Labrousse impose le plus grand respect par son charisme, et surtout il a l’art et la manière de nous mettre en confiance dès la première minute ou il nous prend en charge. Je ne le remercierai jamais assez.
Après la consultation, il me confirme qu’il ne reste que l’implant cochléaire pour retrouver mon audition. Il m’explique ce qu’est l’implant et me demande de réfléchir à la suite à donner. Ma décision est prise le jour même. Je vois dans la foulée l’orthophoniste, le régleur ainsi que le psychologue qui donnent à leur tour le feu vert. Par ailleurs, le régleur me conseille de changer d’appareil de prothèse auditive pour une autre surpuissante uniquement pour le côté droit.
Après une IRM et un scanner, l’opération est programmée pour le mois de juin. Malheureusement la COVID en a décidé autrement, et l’intervention est décalé au 18 septembre 2020. L’opération prévu en ambulatoire se passe très bien, je rentre le matin et je sors en fin de journée. Je quitte l’hôpital avec un impressionnant bandage, on peut dire que je ressemblais à une momie. Quelques douleurs le soir, mais pas insurmontables. J’ai réussi à m’endormir sans problème.
Dix jours après, c’est enfin le grand jour : celui de l’activation avec le régleur. Après avoir revu en détail les 22 électrodes et s’assurer que ces dernières fonctionnent bien, le régleur m’adresse la parole avec des petites phrases simples. Pour être honnête, je ne comprenais pas grand-chose, on devine les phrases mais sans vraiment les comprendre. Je dirais que le son est électrique, robotique... J’étais content de réentendre des petits sons après plusieurs années de silence du côté gauche. Les premiers jours, ce n’était pas facile de supporter le processeur toute la journée, heureusement j’avais l’appareil auditif côté droit, je sentais une certaine fatigue cérébrale, mais en même temps j’éprouvais le besoin de le porter. Deux semaines plus tard, je profitais d’un nouveau réglage. Je sentais un petit confort supplémentaire, mais pas un pas de géant. Il faut rester patient et se dire que ça sera encore mieux la prochaine fois c’est-à-dire dans trois semaines. Entre temps, j’ai suivi des séances chez l’orthophoniste, ce qui a joué un rôle fondamental dans ma réhabilitation auditive !
Au bout de plusieurs RDV sur plusieurs mois avec l’orthophoniste et le régleur (à chaque fois des nouveaux réglages), on commence à voir le bout du tunnel. Les mois passent, la confiance revient petit à petit. Mon quotidien s’améliore, je fais moins répéter les gens. Cela m’a pris plus d’un an pour retrouver une certaine audition, réentendre de nouveau les oiseaux, aller dans des bureaux administratifs sans être accompagné. Mon combat est loin d’être fini, mais après avoir vu ce que le premier implant m’a apporté, j’ai décidé, avec l’accord de l’équipe médicale de me faire implanter du côté droit. L’opération est programmée dans quelques mois.
Ce que je pense de l’implant cochléaire
Pour moi l’implant cochléaire reste une immense prouesse technologique. Cela ne remplacera jamais notre audition naturelle, mais quand on part de zéro et qu’on arrive à six sur dix, cela vaut le coup. Ce score peut être amélioré avec un deuxième implant, je pense qu’on peut arriver à huit mais à confirmer !
Bravo aux chercheurs, médecins et ingénieurs qui ont réussi sur plusieurs années à mettre au point l’implant cochléaire et son processeur qui transforme les sons en un signal électrique qu’il faut acheminer à l’implant puis aux électrodes et au nerf auditif avant d’arriver au cerveau.
Un sage a dit un jour « pourquoi est-ce que le pare-brise d’une voiture est si large et les rétroviseurs sont si petits ? Parce que notre passé n’est pas aussi important que notre futur ! Alors regarde vers l’avant et avance ! »
Je vous souhaite à tous une bonne santé !
Zakaria
Publié le 17/11/2023