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« Je me félicite chaque jour d’avoir osé vouloir le mieux pour mes oreilles. J’ai pu récupérer mon poste, me réapproprier mes compétences, réapprendre à faire des Visio avec mes collègues, à gérer des réunions téléphoniques de 4/5 personnes dans un contexte où on ne sait pas quand nous reprendrons sur site. »

Je m’appelle Caroline, j’ai 36 ans.

Née avec une cophose sur mon oreille gauche (liée au virus du CMV – cytomégalovirus), je suis devenue sourde profonde il y a 13 ans en mai 2007, en une nuit. Une perte brutale de mon audition inexpliquée, sans signes avant-coureurs.

J’étais alors appareillée avec un intra pour compenser une perte de 20% liée à une fatigue auditive due à une trop grande surcompensation sur une seule oreille pendant des années.

LA SURDITE BRUSQUE

Lorsque cela s’est produit j’étais en altitude, au ski, à Val-Thorens, pour le dernier week-end de neige de la saison ; assez stressée par mes examens de fin d’année qui arrivaient et par le rythme de mon stage alterné. Il aura fallu 5 jours pour que je sois hospitalisée et que l’on me mette sous traitement de carbogène, vasodilatateurs. A bout de 11 jours d’hospitalisation et aucune amélioration de mon audition, je suis sortie. J’étais toujours murée dans le silence, en proie à des acouphènes très forts.

Pour vous faire une idée, imaginez le bruit d’un réacteur d’avion, j’avais ce bruit en permanence dans ma tête. Jour et nuit.

Le silence extérieur et l’invasion de bruits internes que moi seule pouvaient entendre étaient mon quotidien. Une sensation très bizarre. On a en effet l’impression d’être dans une paroi de verre avec les autres. Un peu comme si le mime Marceau essayait de sortir d’une boîte où il serait retenu. Une boîte où vous êtes seul avec vous-même et où le temps paru suspendu. Les minutes me paraissaient des heures, les journées interminables.

Dès le lendemain de mon hospitalisation le chef de service ORL de l’hôpital local (en Normandie, chez mes parents), me parlait d’implant BAHA. Je ne savais même pas ce que c’était. Perdre l’audition, je n’y avais jamais pensé, je n’avais jamais fait de recherches sur le sujet, c’était tabou. Je voyais ça éventuellement à 40 ans. Pas à 23 ans. Cet ORL, pensant sans doute bien faire pour m’aider à accepter la situation, n’a jamais voulu écrire sur le bloc de feuilles que j’avais instauré pour que je comprenne ce qu’il disait. Je ne maîtrisais pas comme aujourd’hui la lecture labiale.

Alors, quand il en parlait, je disais non, même pas en rêve. Je disais à tout le monde, mais non, ne vous inquiétez pas, cela va passer, les acouphènes vont baisser, je vais réentendre. On ne me croyait pas. Pour les médecins, ma surdité brusque était acquise, définitive, irrémédiable.

En 2007, il n’y avait pas (ou peu) de smartphones, pas d’application de reconnaissance vocale, pas d’outils pratiques qui auraient pu soulager mon quotidien et celui de mes proches. Je ne compte pas le nombre de calepins noircis par mes proches, qui ont retranscrit ce qu’ils disaient ou ce que les médecins racontaient.

Il aura fallu 6 semaines. 6 semaines d’attente pour réentendre et rayer une à une toutes les hypothèses émises par les médecins pour mettre le doigt sur la cause de cette surdité brutale. On me parlait de tumeur au cerveau, de tumeur dans l’oreille notamment. Mais rien. Tous les examens réalisés n’ont montré aucune anomalie grave. Je n’avais qu’un léger trouble sanguin. Résultat d’un AVC (thrombose) dans l’oreille ? On ne saura jamais. J’ai été placée sous anticoagulants pendant 3 ans pour rétablir la légère anomalie.

Ce même mois, en juin 2007, j’ai passé un IRM. Ce jour-là j’ai entendu des ‘BIP, BIP, BIP’ (le bruit de la résonance de la machine en fait) tellement forts que j’ai cru que mes acouphènes avaient encore changé de fréquence et que j’allais devenir dingue.

A la sortie, en me rhabillant, instinctivement j’ai essayé de remettre mon intra. Et là, miracle ! J’entendais de nouveau ! Ce fut un mélange de bonheur, d’ivresse mais aussi une grande fatigue. Le soulagement sans doute. A partir de ce moment-là, la convalescence pouvait réellement débuter.

RECONSTRUIRE SON AUDITION & SA CONFIANCE EN SOI

A coup de colères, de disputes, de fatigue, de tâtonnements, je me suis trouvée, découverte. Je ne connaissais pas cette partie de moi qui envoyait promener les gens, les choses, qui osait dire ce qu’elle pensait profondément. J’ai coutume à dire, avec le recul, que sans cet épisode de surdité, je serai passée à côté de ma vie. Ce fut une renaissance, une redécouverte. Comme un tsunami, cet accident a tout balayé sur son passage ; y compris l’histoire que je vivais avec mon amoureux de l’époque.

A 23 ans, je me retrouvais à faire le bilan de ma vie, à définir la carte que je voulais pour l’avenir.

Incapable de retravailler jusqu’en octobre 2007 (audition trop précaire même si j’ai récupéré presque 20% d’audition en quelques mois) mais tout de même diplômée (j’ai passé mes examens de fin d’année en mai 2007 quelques jours après ma sortie d’hôpital sans rien entendre), mon ancien maître de stage m’a proposé un CDD de 9 mois dans la structure où j’étais. Une parenthèse pour me remettre d’aplomb et définir un projet. Ayant tout perdu, que je n’avais rien de pire à vivre et que j’avais tout à gagner à aller de l’avant, je me suis donné le défi de reprendre un an d’études en ressources humaines afin d’obtenir un Master 2. Venant de la communication, les RH étaient une piste que je souhaitais explorer au cours de ma carrière. J’y ai vu une opportunité.

Suivie tous les 6 mois au centre d’explorations oto-fonctionnelles du centre Falguière à Paris, j’ai obtenu l’accord de mon ORL pour me lancer en octobre 2008 dans ce nouveau cursus. Moi qui n’était que moyenne dans les études, trop compliquée dans ma tête, pas logique, ces études m’ont révélée à moi-même. Plutôt douée pour comprendre, pour capter les choses, pour écrire avec logique. Ce fut comme un déclic. Comme s’il en avait fallu arriver au pire de ce que je pouvais redouter pour être enfin moi.

En septembre 2009, je suis diplômée après un stage de 6 mois dans une entreprise connue des télécoms. Ce fut très intense, très formateur. J’y ai tout appris du métier. Et je crois que c’était réciproque avec l’entreprise puisque le DRH de l’époque a su me proposer un CDD pour poursuivre les activités que j’avais mises en place.

Notamment le développement du 1er accord handicap de la structure et la campagne de communication interne sur le sujet. La confiance en moi revenait. Pour la première fois, j’osais parler de mon handicap de manière ouverte. A nouveau équipée d’un intra (oui, oui avec la perte de 92% que j’avais) beaucoup plus puissant que le précédent, je revivais normalement.

En mai 2010, je rencontrais enfin l’homme qui est aujourd’hui mon mari. Il a su m’accepter comme je suis. Il a su accepter mon quotidien, avec lequel je n’étais pas encore complètement en phase. Et à réadapter sa vie en fonction de moi. A ne plus penser aux voyages en avion à des milliers de kilomètres mais à explorer ce qu’on pouvait en train. Je n’avais en effet plus le droit de prendre l’avion (l’effet de pression au décollage et à l’atterrissage auraient pu être fatals à mes restes auditifs). Il conjugue désormais avec moi, mes impatiences et mes colères depuis 10 ans. Il a été mon guide dans le chemin du deuil et de l’acceptation.

MON TRAVAIL ET L’AUDITION

Et depuis ? Eh bien, mon audition partiellement retrouvée s’est de nouveau dégradée. Tout doucement. Et ce malgré les séances de lecture labiales, prescrites et suivies en 2007 en phase de rééducation, qui m’avaient bien aidée. Moi qui avait perdu toutes les fréquences graves et aiguës et ne vivait qu’avec les fréquences médium, même elles commençaient à s’altérer avec des phases de mieux et de nouveaux épisodes de sinusites chroniques, d’otites séreuses.

En 2014, peu avant mon mariage j’ai fait le choix d’un nouvel intra encore plus puissant pour être confortable. Je commençais à sentir les limites de l’intra mais les contours qu’on me proposait ne me convenaient pas. Je n’étais pas à l’aise ni n’aimait la puissance que cela renvoyait. C’était beaucoup trop métallique alors que l’intra que j’avais était naturel, confortable et puissant. Néanmoins, j’ai très vite vu que cela serait difficile dans un environnement open-space dans la nouvelle entreprise où je venais d’arriver comme chargée de recrutement. L’open-space c’est la porte ouverte aux nuisances sonores permanentes où l’oreille ne connait jamais de repos. Nul doute que le vieillissement de mon audition et de mes restes auditifs a été accéléré par ces conditions de travail (et pourtant j’y suis toujours 6 ans après).

Mais le bruit permanent n’a sans doute pas été la seule cause de la dégradation.

Je pense que les hormones secrétées pendant la grossesse de mon fils, né en 2016, ont joué un facteur important. De fait, du 3ème au 9ème mois j’ai eu l’audition voilée avec le nez bouché. Impossible de me soigner. En dehors de ces désagréments tout s’est bien passé. J’ai bénéficié d’une césarienne programmée pour sa naissance n’ayant pas le droit de pousser. Cela aurait été prendre un risque vasculaire. Je préférais éviter de reperdre ce que j’avais durement récupéré. Mon fils aura toujours connu sa maman malentendante.

Aussi, je voyais bien que ma fatigue, ma qualité d’écoute devenaient de plus en plus mauvaise. Pour une responsable de recrutement ne plus téléphoner, c’est la mort de mon métier. J’en ai fait une dépression, un burnout. Que faire ? Comment avancer ? En juin 2018, à mon retour d’arrêt maladie pour dépression, ma responsable fait appel à l’URAPEDA. Cette association gère des services ayant pour but, l'insertion professionnelle par l'accès à la formation et à l'emploi des jeunes et adultes sourds, principe initié par la fédération ANPEDA. La chargée d’accompagnement réalise alors une étude ergonomique de mon poste qui montre que l’open-space m’expose à des bruits permanents de 65 dB (à la limite du supportable et fatiguant) et montre également que je ne peux plus réaliser d’entretiens. Il va donc falloir revoir mon poste. On décide alors que je piloterai plusieurs prestataires et ne rencontrerai plus les candidats directement (sur un périmètre national) en modulant avec deux jours de télétravail par semaine pour reposer l’oreille. Mon travail prenait un autre chemin mais je commençais alors à voir de moins en moins d’intérêt à ce que je faisais.

En octobre 2018, je démarre un bilan de compétences et assiste à un salon à Toulon.

Ce salon ‘Sourds et Connectés’, était organisé justement par l’URAPEDA. Le premier en son genre. J’y suis allée avec une collègue sourde pratiquant la langue des signes. Elle témoignait de son parcours et des aménagements mis en place par notre entreprise pour son poste. Ce fut une journée marquante pour moi car elle m’a montré à quel point les progrès réalisés dans le domaine des implants étaient stupéfiants. De nombreuses associations, de représentants de marques d’implants, d’appareils auditifs, d’applications connectées avaient fait le déplacement. J’ai ainsi pu rencontrer plusieurs personnes implantées, échanger avec elles et me rendre compte de tout ce que j’avais à gagner à faire cette opération.

LE PARCOURS VERS L’IMPLANT

De retour à Paris, enchantée de cette journée, j’ai rapidement pris rendez-vous avec mon ORL pour réaliser un bilan de mon audition et ainsi voir où j’en étais. Je voulais lui faire part de mon projet, de mon souhait de m’engager dans la procédure pour l’implant.

L’implant en 12 ans j’en ai souvent parlé avec elle. Mais je repoussais toujours l’idée.

Il faut imaginer que l’audition partielle que j’avais était aussi précieuse qu’un animal rare. Risquer de tout reperdre était vraiment ma pire angoisse. Faire une croix sur tout ce que j’avais eu tant de peine à récupérer, c’était inimaginable. L’ORL me disait qu’elle imaginait plutôt l’implant côté gauche pour restaurer un équilibre.

Pour ajouter des sons que je n’avais jamais entendus. Pour elle, l’implant même sur une oreille cophosée, jamais appareillée, cela peut fonctionner. Pour moi, c’était donc tout vu. Si je me lançais dans cette aventure, ce serait pour la gauche. Je ne risquais rien. Au pire ça ne marcherait pas, au mieux, je réapprendrai des sons nouveaux et j’apprendrai à écouter sur deux oreilles, chose que je ne connais pas du tout.

Donc en décembre 2018, dans son bureau, après mon audiogramme, elle donne son feu vert pour le courrier dont j’aurais besoin pour me lancer dans le parcours à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Je ne la reverrai plus. Je serai désormais suivie directement à l’hôpital. Cela m’a fait drôle. C’était la fin d’un chapitre mais le début d’une nouvelle aventure. En janvier 2019, accompagnée par mon mari pour avoir un peu plus de courage pour franchir les étapes, je fais la connaissance du chirurgien ORL qui allait me suivre.

La Pitié-Salpêtrière est le seul hôpital d’Ile-de-France à réaliser des implantations cochléaires pour les adultes. Le centre opère chaque année 800 patients soigneusement sélectionnés en fonction de nombreux critères. Le corps médical y est très bon. Ils ont une technologie de pointe et une façon d’expliquer les choses aux patients de manière positive.

Ce jour de janvier, avant de rentrer dans le bureau du chirurgien, ce fut beaucoup de stress mais aussi une décision assumée. Pour moi, pour mon fils, pour mon mari, mes parents, mon avenir, il faut le faire. Pour nous, c’est une évidence, l’oreille gauche (rappel : celle qui est cophosée), était celle qui fallait retenir, celle de tous les possibles.

Pourtant, ce premier rendez-vous a donné une tout autre version...

LE RENDEZ-VOUS CHEZ LE CHIRURGIEN

Ce fut la douche froide. Les explications données par le chirurgien n’étaient pas cohérentes avec notre projet de l’oreille gauche. Aussi, mon mari voulant bien confirmer qu’on ne se trompait pas demande au chirurgien si on est bien d’accord sur l’opération de l’oreille gauche. Le chirurgien réfute, dit que non pour lui, la seule solution c’est capitaliser sur l’oreille droite pour donner de bons résultats tout de suite. On se regarde avec mon mari. Sonnés et éberlués. On encaisse. L’implant se profilait sur l’oreille avec des restes auditifs, que je voulais garder le plus longtemps possible.

J’aurais pu ajourner ma réflexion, ma décision, dire que je réfléchissais. Mais non, j’ai soufflé un bon coup et dit au chirurgien qu’on maintenait le processus. Je me disais secrètement que le chirurgien se trompait peut-être, que les examens montreraient peut-être de bons résultats sur l’oreille gauche.

Entre ce rendez-vous et les examens préliminaires, il y avait 3 mois d’attente. Et heureusement ! Cela m’a permis d’apprivoiser l’idée de que l’implant serait peut-être sur ma « bonne » oreille.

En mai 2019, je fus convoquée pour une journée d’examens : audiogrammes, PEA, examen vidéonystagmographique (VNG) qui permet d’étudier le fonctionnement de l’appareil de l’équilibre situé dans l’oreille interne, bilan orthophonique et entretien avec une psychologue.

J’ai revu le chirurgien une semaine après cette journée de façon à entendre le verdict de cette journée qui avait déjà confirmé un peu plus ma décision. Après délibération collégiale avec ses collègues, il nous annonce qu’ils ont émis un avis favorable pour l’implant cochléaire sur le côté droit. Cela ne nous a pas surpris.

Heureusement qu’il nous en avait déjà parlé en janvier. Je serai tombée de haut autrement. En fin de rendez-vous, il ouvre son agenda pour planifier la date d’intervention. Directement, il propose le mois suivant. Dès le 15 juin !

Mais ce n’était pas possible. Non seulement à cause du travail (ils n’étaient pas encore au courant du projet), mais aussi vis-à-vis de mon fils (on ne lui en avait pas encore parlé), ni vis-à-vis de moi-même. Je n’étais pas prête. De fait, l’implant sur le côté droit voulait dire renoncer à la vie que j’avais actuellement. Les bruits, les sons, les voix. Tout serait différent. Et de ce que j’avais lu, tout le monde dit que c’est vraiment différent de l’audition naturelle. Et j’avais besoin de temps encore pour dire au revoir à tout ça.

Comme on savait qu’on devrait planifier la date, on espérait pouvoir choisir. Je voulais demander le mois d’octobre. Le temps pour moi de prévenir ma hiérarchie, mes collègues, de profiter de l’été pour me reposer et aussi permettre à mon fils de faire sa rentrée à l’école en toute sérénité. Il a accepté. On a retenu la date du 15 octobre 2019. Enfin du concret ! On y est presque. J’aurai quasiment 6 mois pour me préparer physiquement (natation et running) et mentalement pour ce que j’appelle « la plus grande aventure de toute ma vie ».

Quelques temps après ce rendez-vous, on m’a demandé de revenir pour choisir mon processeur. Là, petit hic dans le calendrier : l’assistante de programmation n’était pas là. Ce fut une orthophoniste du service qui nous a fait choisir en 15 min chrono sur un coin de table. Heureusement, j’avais préparé mon choix en comparant les différents modèles Cochléar. Après quelques hésitations entre le Nucléus 7 (contour) et le Kanso (processeur bouton), je retiens le Kanso pour sa légèreté, son invisibilité. Certes, il sera à piles, mais ayant déjà depuis 15 ans des intras à piles, ce ne sera que la continuité et beaucoup plus facile à gérer avec les branches de mes lunettes.

PREPARATION PRE-OPERATOIRE : LES SEANCES DE LECTURE LABIALE

Hormis cette précieuse date du 15 juin, le chirurgien m’a remis un tas d’ordonnances en vue de l’opération dont une pour des séances de lecture labiale chez une orthophoniste. Ceci en vue de diminuer ma fatigue liée à ma mauvaise audition et surtout en vue de stimuler et préparer mon cerveau aux futures connexions à venir avec l’implant.

Résidant dans le 78 mais travaillant dans le 92, on a eu une liste de 15 orthophonistes agréés par l’hôpital susceptibles de pouvoir réaliser ma prise en charge. Sur les 9 premiers appelés par mon mari qui a joué mon assistant, seulement une a décroché et a accepté de me suivre. Les orthophonistes sont surchargés.

Après un échange de 30 min pour établir un pré-diagnostic de ma situation où mon mari a raconté ma vie, nous avons pris rendez-vous toutes les deux. Ma rencontre avec Laure ce fut une de mes plus belles rencontres dans cette aventure. Le courant est tout de suite passé. Aussi bavarde que moi, pédagogue, optimiste, bienveillante, positive, toujours en recherche de solutions, à se renseigner autour d’elle sur les meilleures méthodes de suivi, à encourager, elle a toujours su trouver les mots pour me préparer.

Ayant déjà fait de la lecture labiale, le niveau est vite revenu. Entre le mois de mai et le mois de juillet 2019, au rythme de deux séances de 45 min par semaine, je suis parvenue à tenir de vraies conversations avec déchiffrage de lecture labiale sans avoir besoin de son pour compenser. Nous avons poursuivi ce travail jusqu’à la semaine précédant l’opération.

Pour celles et ceux qui se posent la question : oui, les séances sont fatigantes mais les séances se sont orientées au bout de quelques semaines sur l’entrainement à la reconnaissance des sons pour que mon cerveau les enregistre et puisse par la suite refaire des passerelles avec les électrodes les plus proches des fréquences. Je me suis sentie prête, entraînée et soutenue.

En parallèle, pour gêner le moins possible mon rythme professionnel et familial, et par souci de transparence, j’ai informé ma direction de mon projet afin de pouvoir me libérer le midi et le soir en fin de journée pour réaliser ces séances.

LE JOUR J : L’IMPLANTATION

Ce 15 octobre 2019, je m’en souviendrai longtemps, comme une re-naissance. J’étais en congés déjà depuis 1 semaine pour me préparer à l’opération, et aux derniers instants avec une audition naturelle.

J’avais si peur. Si peur que le ressenti soit métallique, transforme totalement l’audition, que le chirurgien ne puisse pas mettre tous les électrodes. Bref, tout un tas d’angoisses et de peurs que j’essayais de contrôler. Mon fils de 3 ans et demi, qui démarrait l’école, était en vacances ; mon mari a posé 15 jours de congés pour être à mes côtés, et mes parents sont venus pour m’aider pendant quelques jours.

Nous faisions bloc, comme une équipe. Après une douche la Bétadine la veille et le matin de l’opération à 5H du matin, nous avons pris la route pour l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. J’étais angoissée, émue, mais déterminée.

Quand nous sommes arrivés sur place, on m’a demandé d’aller déposer mes affaires dans un casier fermé à clef et d’enfiler la tenue à usage unique destinée au bloc. Mon mari n’a pas pu rester. Il était 7h30. Pendant qu’il retournait dormir dans la voiture, je descendue à la salle d’attente avec d’autres gens. J’ai conservé mon appareil auditif jusqu’à la dernière minute. C’est le chirurgien qui me l’a retiré. Pour que le nerf reste stimulé tout le temps. Quand ils m’ont appelée pour mon tour, je me suis sentie comme un cosmonaute qui va droit vers sa fusée avec tout un staff de personnes derrière lui. De fait, je suis allée au bloc à pied, une armée d’infirmiers, d’anesthésistes derrière moi. 15 personnes juste pour moi. Ça fait très bizarre.

Je me suis endormie en 10 secondes et je n’ai rien senti. L’opération s’est très bien passée. Elle a duré 3h45. Je me suis réveillée vers 14h30 dans la salle de réveil, sans douleurs mais luttant contre le sommeil et les engourdissements. Un bandeau autour de la tête, et heureuse que ce soit enfin fait !

Je suis sortie vers 18h après la visite du chirurgien. Ils m’ont montré la tête que j’avais pour pouvoir contrôler la cicatrice. J’ai donc vu que le bandeau n’était en fait qu’un filet de maintien destiné à maintenir en place la compresse stérile qui était pliée derrière l’oreille par-dessus les simples strips qui refermaient la cicatrice.

LES JOURS POST-OPERATOIRE AVANT L’ACTIVATION

J’avais fière allure avec mon bandeau. 1 semaine sans se laver les cheveux fut assez dur pour moi qui ai les cheveux courts et qui ai l’habitude de les laver quotidiennement.

Hormis quelques maux de tête le soir, et le lendemain, je n’ai pas eu besoin de prendre autre chose que du doliprane 1000 4 fois par jour pendant 5 jours par précaution. J’ai simplement eu le haut de l’oreille gonflé pendant quelques semaines et une insensibilité du haut de l’oreille pendant 2 mois. Ce qui qui m’a fait ressembler un peu à Dumbo. Mais cet effet se dissipe progressivement et aujourd’hui tout est normal.

A la visite de J+7, le chirurgien fut ravi de son travail. Il m’a donc retiré les strips pour laisser la cicatrice sécher à l’air. 13 cm de cicatrice autour de l’oreille c’est impressionnant mais très bien caché. On ne voyait rien et cela se recouvre très vite. Il fallait chercher et regarder de près pour voir qu’il y avait une cicatrice.

Cette période de 4 semaines ne fut pas angoissante. Je n’avais presque plus d’acouphènes par rapport à avant, c’était déjà bien plus agréable. J’ai beaucoup utilisé l’application pour smartphone Voice Note Book qui fait de la reconnaissance vocale immédiate des interlocuteurs. Malgré quelques petits loupés, je n’ai quasiment rien raté des échanges familiaux. J’ai poursuivi le visionnage des films et des journaux télévisés avec le sous-titrage. On a rien changé à nos habitudes. On décomptait les jours avant le grand saut de l’activation. Mon fils étant en vacance chez mes parents, j’ai profité du calme de cette période d’entre-deux pour me relancer dans le dessin, les coloriages anti-stress, et l’aquarelle.

L’ACTIVATION DU PROCESSEUR ET SES DEBUTS

Ce 6 novembre 2019, ce fut une journée encore plus extraordinaire que l’opération.

J’y suis allée avec ma mère, qui tenait à être à mes côtés, pour ce grand moment.

Après un moment de flottement de l’audioprothésiste sur le fonctionnement du Kanso (ce n’est pas un processeur souvent choisi par les patients), elle a branché le processeur au logiciel pour lancer l’appairage et lancer les premiers réglages.

Electrode par électrode, j’ai mis des seuils d’écoute (minimal et maximal). Les 22 électrodes réglées, à mon signal, elle a appuyé sur le bouton « activation ». Après un temps, comme suspendu, en réalité quelques secondes, j’ai entendu les voix et compris les mots, puis des phrases entières. Magique ! je n’en revenais pas ! Mon cerveau a été capable de faire les connexions immédiates, comme pour me montrer qu’il ne m’avait pas laissée tomber. J’étais déjà capable de faire un audiogramme et de répéter des mots presque sans me tromper. Impressionnant pour les deux audioprothésistes qui étaient là ce jour-là ! Un moment rare d’après elles.

Côté sensations, les sons n’étaient pas métalliques par contre j’avais comme l’impression d’entendre dans l’eau, comme un écho.

Fière de moi, nous avons pu aller manger au restaurant libanais en sortant de l’hôpital. Je comprenais ce que disais la dame et pouvais déjà percevoir les discussions dans la cuisine du restaurant. Et j’ai pu sans problème tenir une conversation avec ma mère.

En quelques heures puis quelques jours, j’ai senti réellement le monde changer, je voyais tout ce que j’avais gagné à faire cette opération. La redécouverte des sons perdus, ma voix qui se posait déjà mieux, la disparition progressive de mes acouphènes.... Et cela s’est en effet avéré réel. Si j’avais su que c’était le prix à payer pour ne plus en avoir, je crois que je me serai lancée plus tôt mais je n’étais pas prête.

LA REEDUCATION POST-OPERATOIRE

Ce n’est pas parce que j’entendais déjà très bien à l’activation que je n’ai pas fait de rééducation. Bien au contraire !

48h après l’activation, j’ai repris les exercices de reconnaissance vocale avec le petit logiciel que m’avait donné mon orthophoniste. Un petit peu chaque jour, pour moins d’erreurs à chaque fois. 10 jours après, j’ai tenté l’écoute des mots sur le site de l’Institut Francilien d'Implantation Cochléaire (IFIC). Ce n’était pas si dur. Très vite, j’ai été capable d’écouter des textes entiers et de comprendre les chiffres d’un numéro de téléphone.

De fait, quand j’ai repris la rééducation avec mon orthophoniste trois semaines après l’activation j’étais déjà bien avancée. Ce fut un vrai bonheur que de parler avec elle 30 min avant de faire nos exercices sans la faire répéter.

En parallèle, j’ai très vite voulu essayer la musique. C’était un vrai défi pour moi.

L’opération était aussi dans cet objectif-là : redécouvrir le plaisir d’écouter de la musique.

Ce fut tellement agréable de pouvoir tester Cabrel, Goldman, Céline Dion et autres artistes qui ont bercé mon enfance et mon adolescence.

Je suis vite redevenu accro. A tel point que j’ai pris un abonnement Deezer au bout de quelques jours d’écoute. Je fus rapidement capable de chanter à tue-tête mes chansons préférées, le tout en faisant une autre activité parallèle. Une condition sine qua none à ma reprise du travail.

Mi-décembre 2019, après mon rendez-vous hebdomadaire avec mon orthophoniste et mon deuxième réglage, j’ai contacté Cochléar par téléphone pour commander mon accessoire gratuit.

J’étais ravie de pouvoir tenir une conversation téléphonique avec quelqu’un plus de 5 min sans faire répéter !

Un bonheur ! J’ai donc commandé le Phone Clip arrivé 3 jours plus tard ! Les vacances de Noël pouvaient bien commencer.

C’est un accessoire, qui est appairé avec mon processeur externe et connecté en Bluetooth avec mon smartphone. J’écoute donc directement la musique ou mes appels dans mon processeur. Personne d’autre à part moi ne peut en profiter. Un vrai kit mains libres sans nuisances pour les autres. Tout cela que je décide de mettre le volume à la moitié ou au plus fort. Pour que les autres m’entendent, il me suffit de parler dans le Phone Clip. Petit avantage pour cet accessoire, il se clipse sur les vêtements comme un micro-cravate !

10 MOIS PLUS TARD, QUEL BILAN ?

Je ne regretterai jamais cette opération. Je suis si heureuse avec ! J’ai retrouvé ma confiance en moi, les autres ne doutent plus de ce que j’ai compris. Et pourtant, je n’aurais eu que 4 réglages depuis novembre. Mon dernier réglage datant de février 2020 ! Le confinement n’ayant pas permis de maintenir les réglages ni les bilans orthophoniques prévus entre mars et juin 2020. Mais j’ai trouvé une stabilité qui bluffe tout le monde. A tel point que mon bilan des 6 mois en juin 2020 avec le chirurgien montre une audition à 100% et une compréhension totale des propos.

De fait, depuis ma reprise mi-janvier 2020, je suis à mi-temps thérapeutique (80%) pour poursuivre les séances d’orthophonie et me reposer. Le reste du temps, je travaille en télétravail à temps complet. C’est parfois encore fatigant au niveau nerveux. Je fais encore quelques surdoses de fatigue liée à l’écoute quasi-permanente de réunions, de musique d’où la poursuite du mi-temps.

Mais, je me félicite chaque jour d’avoir osé vouloir le mieux pour mes oreilles. J’ai pu récupérer mon poste, me réapproprier mes compétences, réapprendre à faire des Visio avec mes collègues, à gérer des réunions téléphoniques de 4/5 personnes dans un contexte où on ne sait pas quand nous reprendrons sur site.

Côté perso, nous avons retrouvé un équilibre familial. Je ne fais plus répéter mon fils, je peux reprendre les réunions de famille, j’entends parfois mieux que certaines personnes, c’est assez rigolo et inimaginable il y a 6 mois. J’ai supprimé le sous-titrage de ma télé (sauf quand j’écoute en Version Originale ou quand je suis fatiguée).

Et nous refaisons des projets : nous projetons des voyages en famille en avion !

C’est une nouvelle histoire qui s’écrit chaque jour.

 

 

Pour aller plus loin :

Consultez le témoignage d'Alain, implanté en 2020, dont la vie a aussi changé suite à son implantation.

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