Voici un sujet de forte inquiétude pour les sourds et malentendants habitués à lire sur les lèvres en complément ou pas de la communication orale : le port du masque obligatoire dans les lieux clos publics et privés, en entreprise et  surtout dans les collèges  et lycées depuis la rentrée scolaire  2020. 

Quelles solutions pour ne pas couper du monde cette population, soit un dixième de la population française ?

Des masques transparents made in France

Devant le problème posé aux sourds et malentendants par le port du masque, et sous la pression de plusieurs sociétés savantes dont la Société Française d’Audiologie, l’Afnor (l’Association française de normalisation) a homologué au plus vite des masques avec fenêtre transparente.

Le 18 juillet 2020, deux modèles de masques transparents ont obtenu le feu vert de la DGA (Direction générale des armées) chargée des tests. Ils seront bientôt fabriqués à grande échelle et mis en circulation.

  • Le masque inclusif : conçu par une start-up française et soutenu par la Fondation pour l’Audition, il est produit par APF Entreprises (France Handicap. Son coût est de 10,90 € l’unité.
  • Smile, créé par la société Odiora, parmi les premières à s’être engagée dans la recherche de solutions pour les malentendants. Le coût des modèles varie de 13 à 15 €. Le Smile a été conçu selon les normes de l’AFNOR.
  • D’autres masques devraient bientôt être validés par la DGA : le Civility mask et la visière Vuzair, qui, en plus de protéger le visage et les yeux, permet, par un ajout de tissus, de protéger les voies respiratoires.

A quand leur généralisation ?

Ces masques transparents ne permettent pas seulement la lecture labiale. Ils sont utiles aussi aux personnes âgées ou atteintes de handicap psychique, ou encore aux enfants, puéricultrices, orthophonistes…, qui ont besoin de voir les mimiques faciales de leurs interlocuteurs pour les comprendre, Ils sont indispensables à tous les enseignants pour veiller à la bonne compréhension des cours par les élèves .

La Fondation pour l'Audition préconise quant à elle la généralisation du port du masque à fenêtre notamment sur les plateaux de télévision. Sa visibilité ainsi décuplée familiariserait les Français avec ce masque encore insolite pour certains et favoriserait son usage .

Sophie Cluzel, secrétaire d'État en charge des Personnes handicapées annonçait le 22 août sur France Info vouloir généraliser les masques transparents, notamment aux agents d’accueil de la fonction publique et en faire baisser les prix pour ne pas pénaliser les personnes handicapées. « Plus on aura de commandes, plus leur prix pourra baisser » annonce t-elle. Or, ces masques transparents sont aujourd’hui encore vendus au prix souvent prohibitif de 10€ pièce.

Comprendre les différentes catégories de protection des masques (Lien vers :https://www.afnor.org/faq-masques-barrieres/)

La dispense de port du masque pour les sourds et malentendants

Sachez que sourds et malentendants sont officiellement dispensés du port du masque à condition de présenter un certificat médical justifiant de leur handicap et de l’impossibilité de porter le masque. Vous êtes en revanche invité à porter au moins une visière et à observer comme tout un chacun les autres gestes barrières. Attention : la visière n’est pas jugée suffisamment protectrice !

retours d’expérience

« J’ai testé un masque transparent à mon travail. C'est un plaisir de retrouver la lecture labiale mais il faut que l’interlocuteur soit équipé ! Le problème est que c’est nous, sourds ou malentendants, qui devons fournir ces masques aux autres. Non seulement on ne peut pas acheter des masques pour tout le monde, mais certains hésitent à porter un masque que l’on a touché. »

« Concernant la question du confort, je n’ai pas vraiment senti de différence avec les autres masques. C'est en revanche plus rassurant que les visières frontales ouvertes par en-dessous. Le problème est qu’au bout de 30 minutes, la buée s’installe sur la surface transparente. »

Pour en savoir plus :

https://www.scoop.it/topic/implants-by-verodoc/?&tag=masque

D’autres conseils et astuces 

  • Sécuriser son implant face aux chutes accidentelles

Porter un masque pour la première fois avec un implant (et parfois des lunettes) lorsque l’on n’y est pas habitué peut se révéler compliqué et parfois dangereux. Mettre le masque dans la précipitation ou le manipuler peut provoquer la chute du processeur. Ces désagréments se sont déjà produits.
Pour les éviter, une règle : retirer son processeur avant de mettre ou de retirer le masque, ou bien suivre les suggestions de nos bénévoles Joëlle, Pascale et Caroline : porter un bandeau pour caler le processeur et le masque avec une fixation à l’arrière ou sur le coté ou encore mettre le processeur en déporté .

 

  • Utiliser des visières, qui permettent la lecture labiale mais s’avèrent moins pratiques et moins efficaces pour certains professionnels qui recommandent de porter le masque en plus de la visière.

 

  • Utiliser des applications de transcription simultanée sur son téléphone à reconnaissance vocale, ou de sous-titrage (LSF et LPC). Celles-ci peuvent être téléchargées sur les smartphones ou tablettes (Rogervoice, Acceo, Ava,...).

 

  • Etre implanté peut-il aider à surmonter l’obstacle du masque?

Une grande majorité des malentendants utilisent souvent la lecture labiale. Selon les recommandations de l’HAS en 2011 :
« L’implantation cochléaire est indiquée lorsque la compréhension de dictée de mots avec appareillage classique sans lecture labiale est inférieure ou égale à 50 % lors de la réalisation de tests d’audiométrie vocale. »
Les résultats de l’implantation chez l’adulte montrent une amélioration significative de la compréhension du langage et une implantation bilatérale apporte une meilleure perception de la parole et une meilleure localisation sonore (binauralité).

En effet, comme le démontrent les résultats de notre enquête de 2020 (dont les résultats seront publiés prochainement sur notre site ), 92% des répondants travaillent la compréhension de la parole sans lecture labiale en séances d’orthophonie après implantation.

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En ambiance calme, 78 % des personnes implantées conversent normalement, et seulement 7 % d’entre elles ont toujours besoin de la lecture labiale.

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Ces résultats encourageants ne permettent pas à tous les implantés de s’affranchir totalement de la lecture labiale. Pour y parvenir, une réhabilitation est nécessaire. Elle permet de retrouver la confiance, aller vers les autres afin de restaurer la communication avec son entourage et avec la société en général.
La réhabilitation pour laquelle notre association plaide auprès des acteurs du monde de l’audition nous permet ainsi de réapprendre à écouter, comprendre, mémoriser et échanger dans différentes ambiances sonores y compris celles qui sont de prime abord hostiles tel que le port du masque…

Cette initiative semble sur le point d’être entendue. En effet l’UNSAF et la SRFORL organisent une journée pluridisciplinaire orientée vers la santé publique réunissant ORL, audioprothésistes, médecins généralistes, gériatres, orthophonistes, industriels et associations de patients.
https://www.ouiemagazine.net/2020/05/19/evenement-sforl-unsaf-octobre/

Il est vrai que le port du masque peut compliquer la vie des malentendants. Il existe des solutions pratiques (voir ci-dessus) mais la première d’entre elles est l’adaptation.
Le port du masque ne doit pas être un obstacle mais un encouragement à tendre l’oreille. Selon Stéphanie, bénévole Cisic à Dijon «C’est un bon travail de rééducation auditive. avec le temps et de l’entrainement, on s’habitue peu à peu à la présence du masque. Comme lors d’ un nouveau réglage, c’est difficile et désagréable au début, puis petit à petit, on réussit à s'adapter à cette écoute un peu étouffée ! »


Cisic Mai 2020 (maj Septembre  2020)