"Mes problèmes d’auditions sont sans doute anciens, et évolutifs, mais je n’en ai toujours aucune certitude… ; En fait, j’ai vécu sans réellement m’en préoccuper pendant des dizaines d’années"

Témoigner, OK, mais par où commencer…
Il faut se souvenir du passé, de moments difficiles que l’on aimerait oublier…Mais, je sais, pour l’avoir vécu, que les témoignages sont vitaux pour les futurs candidats à l’implant, alors…C’est parti !
Je m’appelle, Laurence et j’ai 35 ans ; Mes problèmes d’auditions sont sans doute anciens, et évolutifs, mais je n’en ai toujours aucune certitude… ; En fait, j’ai vécu sans réellement m’en préoccuper pendant des dizaines d’années ;
J’ai eu une enfance « normale », j’ai appris à parler, j’ai suivi une scolarité normale, jusqu’à ma 1ère année de fac d’anglais, ou, bizarrement, bien qu’ayant eu de très bons résultats au BAC dans cette langue, je me suis sentie en difficultés dans les UV où nous avions besoin uniquement de nos oreilles…
Réorientation vers une école (plus par manque d’intérêt pour le système FAC qui ne me convenait pas), avec un cursus court ; Après réussite au concours, je rentre à l’école d’assistante sociale, et obtiens mon diplôme d’état, 3 ans après.
Je travaille, sans soucis auditifs particuliers, pendant plus de 10 ans, me marie, et profite de la vie !!
Les ennuis sérieux débutent en 2004, quelques mois après la naissance de mon 2éme enfant.
En très peu de temps, mes perceptions auditives se trouvent modifiées, voire même supprimées…Ajouté à la classique dépression post-partum, j’ai l’impression de devenir folle !
Mon entourage s’inquiète, et nous partons alors dans un véritable parcours du combattant, pour essayer de comprendre, et d’obtenir une prise en charge du problème…
Ayant déménagé en Anjou quelques années auparavant, nous ne connaissons pas bien les structures, ni les réputations des médecins…Nous naviguons à vue, d’un ORL à un autre, avec des diagnostics toujours plus encourageants les uns que les autres :
« Oh, là, là, c’est pas bon… », « Revenez dans un an pour un audiogramme, bon courage… », « Mais vous m’entendez très bien quand je vous parle Madame, c’est un psychiatre qu’il faut aller voir… » (Ce dernier, j’ai failli l’étrangler !!! heureusement que mon mari m’accompagnait !!!)…A sa décharge (mais il aurait au moins pu me faire passer un audiogramme !!), au fil des ans, j’ai mis en place une lecture labiale assez étonnante, aux dires des médecins et de mon entourage…Elle m’a donc parfois porté préjudice, trompant mes interlocuteurs sur mes réelles capacités auditives…
Pendant tout ce temps, je déprime sec !!! Il n’y a donc aucune issue, bon sang ! Qu’est-ce que je vais devenir ? Comment continuer à communiquer avec ma famille, mon mari, mes enfants, si petits et qui ont besoin de moi ? Comment poursuivre mon activité professionnelle, parfois si épuisante, avec ses responsabilités, et toutes ces situations qui deviennent de plus en plus éprouvantes pour moi ( réunions, commissions, entretiens téléphoniques…).
J’ai des troubles de l’équilibre, des sensations sonores étranges dans les oreilles (acouphènes ??), des maux de têtes (dus au stress, sans doute…), je m’isole, n’écoute plus la musique qui m’est devenue désagréable, je suis irritée, et le soir exténuée par les efforts de concentrations, de compréhension, que j’ai dû faire toute la journée…Je me couche en me disant que c’est un vrai cauchemar…
Tout cela est très difficile à vivre, mais encore plus à accepter. Je suis « l’ovni » de la famille, où aucun problème de ce type n’a jamais été repéré avant moi…J’ai l’impression d’être seule, et fais comme si de rien n’était…
Je ne parviens pas à parler de ce qui m’arrive avec le plus grand nombre. Je « réserve » mes confidences à mes proches qui ne savent plus comment m’aider…
Comment cela pourrait-il être pire … ? Eh, bien, ça peut l’être … !
Viennent ensuite 2 chutes brutales d’audition, une en septembre 2005 (avec hospitalisation d’une semaine, à la clinique Causse, avec des perfusions que je tolère mal, qui sont remplacées par 9 piqûres / jour : corticoïdes et vasodilatateurs), et l’autre en mars 2006.
Entre temps, j’avais eu l’occasion de rencontrer une audioprothésiste sur Angers, ( pour évaluer mes possibilités d’être appareillée), qui m’avait, pour la 1ère fois parlé de l’implant cochléaire ( Encore MERCI Mme Delanoé !), et m’avait orienté vers le professeur Dubin, responsable du service ORL au CHU.
C’est donc, tout naturellement que j’ai repris contact avec Mr Dubin, après l’inexorable dégradation de mon audition…J’en profite pour remercier cet homme formidable, pour son écoute, sa chaleur, et pour son humour aussi…Cela m’a fait un bien fou, de rencontrer, enfin, des personnes qui savaient de quoi je parlais, Je n’étais plus la cinglée de service !!!
A ce moment là, et au vue de l’état lamentable de mon audition, tout le monde est d’accord pour débuter une démarche de pré implant cochléaire.
Entre temps, je suis « tombée » par hasard sur le site du CISIC, au cours de recherches sur Internet, et là, c’est la stupéfaction : je ne suis pas seule ! Je n’en reviens pas…parfois certains témoignages sont comme un reflet, un miroir de ma propre situation…! D’autres personnes ont donc vécu ce cauchemar, et ont trouvé une porte de sortie avec l’implant cochléaire…alors pourquoi pas moi ?

1ère étape importante : l’IRM qui vise à déterminer le caractère réalisable, de l’implantation. A priori, seules certaines surdité ne le permettent pas : origines congénitales, antécédents de méningite…je crois…
Nous sommes en Mars 06, et je dois attendre le mois de mai pour passer cet examen capital !!!Comme je trouve le temps long…et si le résultat de l’IRM ne permettait pas de m’implanter ?…
Finalement, l’examen arrive : environ 3/4 d’heure dans le caisson, avec les vibrations et les bruits de marteau piqueurs ! On m’a mis des bouchons anti bruits dans les oreilles, et tout se passe bien…les radiologues sont très gentils.
J’en ressors un peu groguie, et on me dit que les résultats me seront communiqués par le médecin…
Quelques jours plus tard, enfin le feu vert : « tout est OK, rien n’empêche l’implantation, au niveau de la structure de mon oreille interne ».OUF !

Maintenant, nous passons, à des choses plus précises !! Je rencontre successivement, tous les membres de l’unité d’implants cochléaires :
- l’orthophoniste,
- la psychologue,
- l’assistante sociale (eh, oui, maintenant, c’est moi « l’usager », pas évident de se retrouver de l’autre côté du bureau …),
- l’ORL pour les tests de l’équilibre, (réalisés au CHU : de l’eau chaude et de l’eau froide sont successivement injectées, dans chaque oreille, avec ensuite mesure et évaluation du mouvement des pupilles, en réaction à l’injection, mais je laisse les explications aux spécialistes…Il faut savoir, que cela se passe dans le noir le plus complet et que cela peut donner le vertige.)
- les audioprothésistes.
Je crois n’oublier personne…
Je demande aussi à être vaccinée contre la méningite (suite à des craintes, peut-être infondées…de mes lectures sur internet.)

Toute la démarche vise à évaluer notre motivation personnelle, nos capacités d’adaptations à l’implant, notre représentation de ce que seront ensuite, nos perceptions auditives. Cela peut prendre plusieurs mois, et nous aide à préciser notre démarche.
C’est également l’occasion de poser tout un tas de questions sur l’implant, son fonctionnement, son coût, sa manipulation, son entretien…
Au cours de la démarche, j’ai la sensation d’être sur un chemin ; je ne sais pas encore si c’est la « bonne » voie qui m’est donnée ici, mais c’est toujours mieux que de se sentir au milieu de nulle part ! Alors j’avance peu à peu, je suis tour à tour confiante, puis je doute…j’ai pris ma décision, puis j’hésite encore…Est-ce que c’est vraiment la seule solution ? Est-ce que je ne vais pas faire une bêtise… ? Les restes auditifs de mon oreille implantée seront définitivement perdus, est-ce que ça en vaut la peine ? Et si je regrettais ?
Et si l’appareil ne marchait pas bien ? Et si je ne le supportais pas ? Et si, et si …et encore des « si »…
Et puis, finalement, j’ai réalisé que ce n’était pas avec des « si » que je pouvais faire évoluer les choses…et puis, je n’avais guère le choix ; Ce serait donc l’implant …ou rien du tout…le silence…et ça, ça m’était insupportable.

Je suis soutenue dans mon choix par mon mari, mes parents, mon petit frère ; je le précise car c’est important dans une telle démarche, de se sentir accompagnée, et non seul devant l’inconnu…Mes enfants sont trop petits pour avoir réellement fait partie du débat, mais ont été pleinement associés à ce qui s’est passé.
C’est très important pour leur équilibre, leur compréhension et leur acceptation du futur appareillage de leur maman.
Ma fille de 6 ans, s’est montrée très intéressée ; Le principe global de l’implant lui a été expliqué très simplement par l’orthophoniste et la psychologue de l’unité, et elle a pu poser les questions qu’elle souhaitait ; Son petit frère de 30 mois, qui nous accompagnait, a préféré laisser tomber ses dessins, pour nous rejoindre et écouter notre conversation…Comme quoi …
C’est une étape vraiment importante pour les enfants, qui permet de dédramatiser toute la démarche, l’hospitalisation, le pansement, l’appareil…Bien préparés, ils sont rassurés et vivent mieux les choses.
J’ai également pu rencontrer 3 personnes implantées qui m’ont fait part de leur expérience. Il est certain que les résultats, les gains auditifs, les sensations…sont vraiment personnels et varient en fonction du parcours de chacun. Mais globalement, il est ressorti de ces entretiens un immense soulagement…Je remercie ici Marie-Paule D., Sylvie et Françoise, qui chacune à sa façon a participé à ma décision.

Au fil des semaines, je vais vraiment devenir une spécialiste de l’implant !! Je pense alors être suffisamment informée et pouvoir sauter le pas.
Tous les professionnels de l’unité d’implants étant favorables à l’implantation, Mr Dubin me dit en juillet, qu’il pense pouvoir m’opérer dans le courant du dernier trimestre 2006.
.La date de l’intervention sera une 1ère fois fixée le 10 Octobre, puis repoussée au 17.10.06 (pour des soucis d’emplois du temps et de disponibilité de membres de l’équipe du bloc).
Cela me laisse le loisir de m’organiser…
Au travail, je peux préparer mon départ.
Il faut préciser qu’à la suite de mon hospitalisation de sept 2005, j’ai pu bénéficié d’aménagements de mon poste, grâce à la compréhension de mes responsables que je remercie aussi vivement. Sans cela, il m’aurait été impossible de continuer à me rendre à mon travail…Je n’ai en fait été arrêtée qu’à la date de mon intervention chirurgicale.
Il est certain que je résume très brièvement des moments très difficiles, et des nuits agitées !!!! Dévoiler mon « handicap » a été particulièrement éprouvant pour moi, dans mon milieu professionnel, mais je n’avais pas d’autre issue.
Sans faire de misérabilisme, il est certain qu’un déficient auditif doit dépenser beaucoup plus d’énergie que ses collègues entendants, pour arriver à un même résultat ; Travailler sur des notes écrites, communiquer par emails et par fax, vérifier l’information 1,2, 3 fois ou plus…reformuler pour être certain de sa bonne compréhension…évidemment, cela prend du temps, et use les nerfs…Mais, en aucun cas, cela ne remet en cause nos compétences professionnelles !!!
La confusion si courante entre « ne pas comprendre »et « ne pas entendre », me met toujours hors de moi !! Combien de fois, je me suis faite cette réflexion : on doit penser que je ne pige pas au quart de tour, alors que je n’ai pas tout entendu !! Allez demander à un entendant de comprendre une phrase dans laquelle il manque l’essentiel, lui non plus, il ne pigera pas !!!Il n’en reste pas moins un terrible complexe d’infériorité, et une perte progressive de confiance en soi…
En ce qui me concerne, j’ai toujours été très bavarde, peut-être parfois même trop !…Mon besoin d’échanger a toujours été très fort, et je l’ai toujours maintenu avec mes proches, quitte à les faire répéter une énième fois… ; Mon travail m’a aussi beaucoup aidé à maintenir des liens sociaux et à développer mes capacités de lecture labiale.

Au cours de mes démarches pré implantation, j’ai également sollicité un bilan génétique.
Si celui-ci n’a pas permis de mettre en évidence que j’étais atteinte d’une maladie génétique, il a au moins permis d’éliminer tous les gènes connus comme étant responsables d’une surdité.
Cette question de l’origine de ma surdité évolutive, reste un sujet très préoccupant pour moi, et aussi pour mes proches. Peut-être qu’un jour la recherche scientifique aura une réponse à me fournir, ainsi qu’à toutes les personnes qui sont dans la même situation…Je le souhaite de tout cœur, pour que cela puisse faire avancer les choses.

JOUR J : Hospitalisation pour pose de l’implant : Mardi 17 octobre, 7h30.
Nous y sommes ! Accueil chaleureux de l’équipe soignante, douche à la Bétadine (en frottant bien derrière les oreilles !), et visite de Mr Dubin pour me rassurer. Si je n’ai cessé de me travailler l’esprit pendant les semaines qui ont précédées l’intervention, je suis plutôt sereine, c’est le grand saut, il faut y aller ! Départ pour le bloc : 8h30.
Réveil avec un turban autour de la tête et mal au cœur …Je ne suis pourtant pas sur un bateau mais bien sur un lit…Aïe, mes vomissements me « secouent » la tête, ce qui entraîne des sifflements stridents, aigus dans tout le crâne…On m’a branché une perfusion avec du glucose, de l’anti vomitif, plus des médicaments anti douleurs. Mes nausées dureront un peu moins de 48 h, jusqu’à ce que je trouve une position qui me soulage : couchée sur le côté gauche (évidemment, je suis implantée à droite).
Je me lève le lendemain (enfin, je trottine !!) avec les idées plus claires. Le personnel est vraiment gentil avec moi, tout le monde articule bien et mes restes auditifs à gauche, me sont d’un grand secours.
Le jeudi, 14 h : départ ! Je suis contente de rentrer à la maison. Pour l’évènement, on m’a enlevé mon turban, et laissé un « petit » pansement avec une gaze stérile par-dessus (que je devrai changer tous les jours chez moi, après avoir nettoyé avec de l’héxomédine.) Un filet extensible me maintient le tout sur le côté de la tête, et j’ai recouvert le tout avec un foulard.

Je reviens à l’hôpital une dizaine de jours après pour me faire enlever ce qui me reste de pansement. Un petit « aïe » et c’est fini ! Oh, la jolie cicatrice que voilà !! En fait, à ma très grande surprise, on ne voit quasiment rien !! Mes cheveux ont été rasés sur l’intérieur du crâne et laissé sur le côté, si bien qu’avec ma coupe au carré on ne distingue absolument rien.
Je dois continuer à nettoyer ma cicatrice encore une dizaine de jours et ça sera terminé !
Je n’ai eu aucun effet secondaire suite à mon intervention, si ce n’est une perte de goût importante sur une bonne partie de la langue, qui va persister plusieurs mois ; Une broutille quoi !!Ah, et puis, je le précise aussi pour mon dentiste chez qui j’ai repoussé la pose d’une couronne : je ne suis pas en mesure d’ouvrir la bouche en grand !! Mr Dubin me dit que cela devrait s’arranger sous quelques semaines. Je vous rassure, ça ne m’empêche pas de jacasser !!!

Encore quelques jours de patience et nous arrivons au 10 novembre : date fatidique de mon 1er réglage … (la date m’avait été communiquée à ma sortie de l’hôpital).
J’appréhendais beaucoup la période entre mon opération et le 1er réglage : j’avais vraiment très peur de ne rien comprendre sans mes restes auditifs à droite; Finalement, entre la récupération de l’anesthésie, les RV à l’hôpital, et à l’unité implants, elle est passée rapidement et j’ai pu me débrouiller avec la lecture labiale et mes restes auditifs (il faut dire que je suis restée tranquillement chez moi, sans efforts particuliers à faire) .Il faut prévoir au moins 15 jours à un mois de repos complet, et il est donc indispensable de se faire aider pour les tâches quotidiennes ( courses, repas, ménage…).Fin de la parenthèse.

Nous voici donc avec les deux audioprothésistes de l’unité d’implants, pour le grand jour ; Je pense que j’avais déjà tellement imaginé et vécu ce moment dans l’absolu, que finalement, je n’ai pas été très surprise du résultat. On me met le processeur sur mon implant, et on branche à l’ordinateur. Ensuite, concentration extrême, afin de pouvoir dire si je perçois des « bip » et de les compter. Dur, dur !!J’ai l’impression que mon cerveau n’enregistre pas tout de suite le 1er bip, mais qu’il commence à comprendre que c’est un son, au second !!! Il faut dire que parfois le son se confond avec des semblants d’acouphènes, et que j’ai beaucoup de mal à l’isoler du reste.
Bon, après environ 20 mn de cet exercice, et après avoir déterminé des seuils de volume (faible, moyen, fort : pas facile non plus, on est tellement surpris et heureux d’entendre un petit truc, qu’on ne sait pas si c’est fort ou pas !!), Mme Delanoë me prévient : « vous êtes prête ? J’envoie le son. »
Et un raz de marée arrive : des glous, glous, des gargouillis, un bruit diffus que je n’arrive pas à interpréter (le ventilateur de l’ordinateur !!), et au milieu, sa voix, ou plutôt celle d’un robot !!, qui me dit : « vous m’entendez ?? ». Eh, bien, oui, j’entends ! ça fait marrer tout le monde !! et moi, j’ai l’impression d’être dans « la guerre des étoiles » !!!
La seule impression claire qu’il me reste, est d’avoir trouvé ça vraiment bizarre ...pas désagréable, pas insupportable, pas douloureux, mais vraiment très bizarre…
Je rentre chez moi, seule en voiture, et là, j’ai l’impression de me retrouver dans un monde différent : mes cheveux qui frottent contre mon col, les freins du bus qui passe à côté de moi, le clignotant,…Je perçois tout ça d’un coup !A la maison, je suis étonnée d’entendre les soupirs, les chuintements, le papier que l’on froisse, et surtout, le plus merveilleux : la voix de mon petit garçon que je n’entendais presque plus !Je ne le comprends pas encore, mais je perçois sa voix , je l’entends crier, c’est incroyable…
Je peux répéter les yeux fermés, quelques mots prononcés par ma fille : un porte clés, des barbies, et des chevaux (ou cheveux, je ne suis pas sure…).Elle me dit : « c’est bien maman ! », et moi, je suis très fière…mais, ce n’est qu’un début.

A ce moment là, je pense vraiment que les voix et sons perçus, sont différents de la réalité sonore d’une personne entendante. Je ressens une différence énorme entre l’implant, et le peu de sons perçus par mon oreille gauche ; Avec mon implant, les voix sont monocordes, métalliques, sans aucune intonation. Je suis très surprise de percevoir des bruissements, des cliquetis, des choses que je ne comprends pas, même quand tout me semble silencieux…En fait, peu à peu, je découvrirai pourquoi…Je vais réaliser que je vivais , sans forcément en être consciente, dans un monde parallèle fait de silence, alors que « dans la réalité », rares sont les situations de silence absolu…

Tout cela me laisse un peu déconcertée…je fais test sur test, et je fini par ressentir une grande fatigue, physique et nerveuse. Je « débranche » mon processeur à 22h, après l’avoir porté 4h, non stop. C’est peut être trop pour une 1ère fois…Je pense que ça dépend de la tolérance de chacun.
Le lendemain, baisse de tonus et moral « bof »…J’appréhende un peu de remettre mon processeur sur l’oreille, et tous les « gling, gling » qui vont avec…et puis je me force, en me disant que ce n’est vraiment pas le moment de se laisser aller…
Les jours suivants, mon adaptation sera progressive ; Comme Françoise, implantée et toujours de bon conseil, me l’a suggéré, je n’hésite pas à « débrancher », en cas de surdosage …et puis en l’espace d’une semaine, le déclic :je me réveille un matin, en me disant : « c’est bizarre, il me manque un truc… ! », et c’était fait : je ne pouvais plus me passer de mon processeur…De gênant au départ, il m’était déjà devenu indispensable…

En parallèle, je débute ma rééducation, après environ 6 jours de port de mon processeur. Le courant passe immédiatement avec « mon » orthophoniste, ce qui me facilite la tâche ; Le 1er RdV consiste à faire un bilan des perceptions et puis au fur et à mesure, les exercices deviennent plus pointus, et sont axés sur mes « blocages ».
Mme Dupin, me fait travailler sur des listes de mots qui ont des sonorités se rapprochant, ou bien sur des syllabes.
J’écoute aussi parfois un CD sur lequel je dois reconnaître des bruits allant de l’aspirateur, au serpent à sonnettes !!! Parfois ce sont vraiment des fous rires !!! J’apprécie énormément ces moments de tests de mon processeur et de mes capacités, parce que cela se passe dans une ambiance très sereine et conviviale ; Il est, néanmoins, certain que les résultats obtenus peuvent agir, directement, sur le moral.
Je me souviens avoir bloqué un bon moment sur les « m » et « n » ; Je ne faisais absolument aucune différence entre les deux…et ce malgré un entraînement régulier. Mme Dupin l’a signalé à l’audioprothésiste, qui l’a pris en compte lors du réglage suivant, en affinant sur les graves ; Ensuite, comme par miracle, je percevais mieux la différence !!
Alors, rééducation ou réglage ?? Qu’est-ce qui fait que l’on avance ??? Je ne sais toujours pas trop, mais je dirais que les deux sont très liés. Enfin, je suis sure d’une chose, c’est indéniablement très complexe.

APRES 3 MOIS de PROCESSEUR :

Je n’ai que peu de recul mais j’ai déjà l’impression d’avoir fait beaucoup de chemin avec mon « bip » comme je l’appelle. Il fait partie de ma vie. J’ai appris à le manipuler, en en prenant le plus grand soin, mais je le fais avec plus d’aisance (au départ, j’avais l’impression de tenir un diamant de 3 carats dans les mains !!).
Je l’ôte avant d’aller me coucher et le mets au réveil (ou presque !).Il m’accompagne dans presque toutes mes activités, en voiture, à vélo…mais il faut dire que je ne suis pas Nicolas Hulot !!
Je sais que le processeur craint l’humidité, et j’évite donc de le porter quand je repasse à la vapeur (c’est peut-être complètement idiot de faire ça, mais bon, j’y tiens !)…

Dans le genre catalogue, voici mes résultats positifs :

- les perceptions se sont affinées : je parviens à reconnaître des airs chantés, peux faire la distinction entre les voix d’hommes et de femmes, qui ne sont plus « métalliques », les
intonations commencent à être plus nettes,
- je répète sans lecture labiale, des listes de mots ou phrases complètes,
- je comprends de mieux en mieux mon fils,
- je comprends quelqu’un qui parle dans mon dos,
- je perçois les bruits environnants dans ma maison : les enfants qui jouent, qui m’appellent d’une autre pièce, la sonnette de l’entrée, la sonnerie du téléphone, le bip du micro ondes, la machine à laver qui tourne, le tic-tac de la pendule…
- j’ai plus de facilité à converser en voiture,
- dehors, j’entends le gravier qui crisse sous mes chaussures, mes talons qui claquent sur le trottoir, la porte du garage, les oiseaux, les chiens qui aboient, le klaxon des voitures.
- Je peux faire faire les devoirs de lecture à ma fille qui apprend à lire, sans être scotchée à son livre,
- Je regarde la télé avec mon câble, et perçois entre 70 et 80 % des paroles, même lorsqu’il s’agit de doublage en français (donc pas de lecture labiale).

LES PROGRES A FAIRE :
- j’ai du mal à isoler la parole dans un contexte plus bruyant (restaurant, musique de fond, repas de famille, conversations croisées, sortie d’école …), mais, bon, ce ne sont déjà pas des situations faciles pour les entendants…
- C’est le même problème si quelqu’un me parle et qu’au même moment, il tourne les pages de son journal…je n’entends plus que le journal …
- persister dans l’écoute de la TV pour y arriver sans câble (parfois ça peut marcher sur des bouts de phrases…),
- réessayer l’écoute de la musique (j’ai fait des tests pas trop concluants pour l’instant…ce n’est pas vraiment désagréable, mais ce n’est pas vraiment agréable non plus !!! C’est assez drôle parce que chez « mon » orthophoniste, je reconnais plutôt bien tous les instruments, isolément, mais ensemble, c’est le cafouillis le plus complet !
- tester le cinéma.
- La pratique du téléphone…Ah, ce truc là, c’est mon cauchemar !!! Bon, j’ai aussi testé, avec une façon de faire très personnelle : je mets l’écouteur sur mon oreille gauche (non implantée, avec des restes auditifs), et mets l’ampli à côté de mon oreille implantée…ça marche plutôt pas mal, sauf que ça me fatigue, et que ce n’est pas discret d’entendre les conversations diffusées à grand volume dans toute la maison !!!
J’ai fait un essai avec le téléphone « relation » que m’a gentiment prêté Mme Delanoë, après qu’elle ait activé ma touche « T », sur mon processeur Cochlear Freedom (je ne l’avais pas précisé jusqu’à présent).
Le résultat n’était pas franchement net pour moi, mais j’ai peut-être pris de mauvaises habitudes avec mon 1er système. .. ?
J’attends mon prochain réglage (le 9 février) et je recommence !!

Voilà…Je pense n’avoir rien oublié…mais il y a tellement de choses à dire sur l’implant que c’est finalement un sujet inépuisable !
Je souhaite à tous les candidats à l’implantation de lui faire confiance et de saisir cette possibilité de sortir du silence.
En ce qui me concerne, cette opportunité a changé le cours de ma vie, et celle de mes proches ; j’ai l’impression de revivre ; L’implant est un outil merveilleux qui a certes ses limites, il faut en être conscient, mais on les oublie tant ce qu’il nous apporte est une bouffée d’air pur, un soulagement indescriptible…
Je remercie du fond du cœur toutes les personnes qui m’ont écouté, accompagné et encouragé, dans ma démarche, et plus particulièrement mon mari pour son soutien sans faille, mes parents pour leur affection sans limite, mon petit frère, ma famill, Marie-Hélène, Christel, Joëlle, Mr Dubin et son équipe, les professionnels de l’unité d’implants cochléaire d’Angers, « mon » orthophoniste, mes collègues, et tous ceux que j’oublie de citer et qui, j’espère ne m’en voudront pas.

Je laisse le mot de la fin à ma fille qui m’a dit : « tu sais maman, avant, il fallait tout te répéter, c’était vraiment pas drôle…maintenant avec ton appareil, c’est super ! », La vérité sort de la bouche des enfants…

Laurence, implantée Cochlear Freedom, le 17.10.06, à Angers.