"je suis atteint de surdité évolutive bilatérale depuis ma plus petite enfance "

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Atteint de surdité bi-latérale évolutive depuis l’enfance…

Bonjour, je me présente, je m’appelle Éric, j’ai 35 ans et je suis atteint de surdité évolutive bilatérale depuis ma plus petite enfance (problème d’audition décelé vers 3 ans et demi.

Dès que j’ai montré une déficience auditive, j’ai tout de suite été suivi par un ORL et de ce fait, appareillé au plus vite des 2 côtés. Mais j’ai du quand même suivre des séances d’orthophonie pour réapprendre à parler correctement, car je commençais à déformer les mots.

De ce fait j’ai eu le temps de développer le langage parlé, ce qui m’a permis de vivre assez bien jusqu’à environ 15 ans.

Comme je le disais précédemment j’ai reçu dès mon âge de 3 ans et demi, 2 appareils auditifs, mais dès l’adolescence je me sentais mal avec les 2, car l’oreille gauche commençait à me « laisser tomber ».

Et j’ai, de là, décider de n’en porter plus qu’un seul (à ma meilleure oreille bien sûr).

J’ai suivi une scolarité normale malgré mon handicap en m’efforçant de vivre comme mes petits camarades, même si je me souviens bien avoir souffert depuis toujours de cette différence…

Mal entendre a toujours été très dur pour moi à vivre…

Ma scolarité a été assez courte, puisque j’ai suivi tant bien que mal jusqu’à la troisième.

Puis j’ai entrepris un apprentissage en pâtisserie, ce métier m’attirait, mais mal compris et supportant des tas de moqueries au quotidien de la part de mon chef, j’ai arrêté cet apprentissage et de là j’ai effectué divers boulots mais sans grands attraits vers ceux-ci !

Aujourd’hui, j’ai un travail, comme tout le monde, même pas reconnu comme travailleur handicapé, mais je fais le constat que si je n’avais pas supporter ce grand handicap, j’aurais peut-être eu la chance d’apprendre un vrai métier…Mais j’ai la ferme intention de tout mettre en œuvre si je peux maintenant pour me rattraper !

 

 

L’implant, entendu parler…

L’implant, j’ai commencé à en entendre parler, il y a déjà un bon nombre d’années..

En 1994, j’ai passé un scanner à Clermont-Ferrand. Celui-ci montrait bien que j’étais implantable, mais le professeur à l’époque, trouvait que j’entendais encore assez pour me débrouiller sans y avoir recours. Et puis moi, de mon côté, je n’étais pas prêt, j’étais très réticent quant au fonctionnement de l’implant, et surtout je laissais de l’importance à l’esthétique (le long fil).

C’est vrai j’entendais encore pas mal avec mes Acas car je pouvais me servir (avec restriction d’un tél. vers les personnes familières). Mon audition a continué de chuter, avec des hauts et des bas comme depuis toujours, sauf que là, en 1997, c’est carrément en bas. Là je me décide une seconde fois, et je consulte d’abord dans une clinique à Béziers, que l’on m’a conseillé, et là ne pratiquant pas l’implantation cochléaire, ils ne peuvent rien pour moi…Je suis dirigé sur Toulouse où je consulte en octobre 1999.

Là on m’explique plus en détail, comment marche l’implant et puis l’opération.

On me conseille de réfléchir et de reconsulter ensuite si je me décide, mais il y a une longue liste d’attente (environ 2 ans). Je suis découragé et puis d’ailleurs pas décidé, pas prêt, quoi !

Alors je laisse passé du temps, toujours à constater que j’entend pas grand chose même avec mon ACA, mon audition baisse toujours, je n’ai plus téléphoner depuis 1996, je regarde la télé avec le sous-titrage et puis heureusement que j’ai toujours la lecture labiale qui me permet de continuer à communiquer et à ne pas tomber dans le silence tout doucement car ça c’est ce que je redoute…

 

 

L’implant, j’y pense de plus en plus…

Courant 2002, j’entend parlé que les implants maintenant existe en contour d’oreille, alors je me réveille et avec ma femme, je navigue sur internet à la recherche de l’implant cochléaire, et puis je demande de la documentation aux diverses marques par email. Là ma femme reçoit dans les jours qui suivent, un coup de fil d’une marque et en discutant nous conseille plusieurs centres d’implantation, dont Saint Antoine à Paris.

De là, je suis emballé par Paris car j’ai ma sœur, sur place. Rendez-vous pris le lendemain pour le 27 novembre 2002. Entre temps je fais aussi virtuellement la connaissance de Catherine Daoud, présidente de l’association CISIC. Le jour approche, et là, je suis conquis. Si j’ai réfléchi jusqu’à présent, là je ne réfléchi plus, tout de suite je me sent entre de bonne main et je pense que je n’ai plus rien à perdre.

Je passe des testes d’équilibre, je rencontre le professeur MEYER et puis le Dr Fugain, qui me fera par la suite suivre ma rééducation. Le choix de l’oreille est fixé sur la meilleure, la droite.

Le contact est super bien passé, je repars enchanté de ma journée et avec en poche ma date d’opération, ce sera le 6 février 2003. Bientôt…Je me prépare à grand pas : scanner, IRM à passer, bilan pré-opératoire chez un cardiologue, vaccination contre la méningite, visite anesthésiste en janvier.

Les jours qui vont précéder cette implantation s’avèrent longs et angoissants, même si je suis super enthousiaste à l’approche après tous les témoignages que j’ai lu ! Je suis aussi très impatient à la fois…

 

Mercredi 5 février 2003… J-1

Il est 16 h et je rentre à Saint Antoine, stressé mais confiant.

Je vois vite l’anesthésiste du lendemain matin pour m’expliquer la matinée du lendemain, ce sera pour 7 h 45.

J’ai quand même droit à un petit repas, puis de là, plus de cigarettes…aille… terrible !

Même plus à boire, ni manger au-delà de minuit.

Je suis stressé mais aussi content d’être enfin arrivé là. Bref, je suis bien prêt !

Aussi, on me donne un calmant pour essayer de dormir…

 

 

Jeudi 6 février 2003…Jour J

Tôt le matin, j’étais déjà debout à 6 h du mat, je me recouche, mais on vient me prévenir d’aller vite à la douche pré-opératoire, avec la bétadine.

Puis je reçois la visite du Professeur Meyer, et on me descend au bloc.

Je trouve le temps long et je suis anesthésié vraiment au dernier moment.

Puis plus rien…

Je me réveille en salle de réveil bien évidemment, et là aussi je trouve le temps long, j’ai hâte de remonter dans ma chambre.

Je remonte vers 14h15, encore dans le cirage mais réveillé.

Là maintenant je sais que je dois rester dans le silence total jusqu’au vendredi dans 8 jours.


 

Durant ces 8 jours, j’ai rencontré toute l’équipe du professeur Meyer, les infirmières.

J’ai eu la visite de Catherine Daoud, d’implantés comme Sergio, Eric n°1, Jeanine…

Tout le monde est très sympa.

J’ai même droit ,le lendemain, à un interview avec le professeur Meyer, Catherine Daoud, en vue d’un film destinés aux médecins.

Je me rétabli doucement mais sûrement, je suis impatient du 1er réglage.

 

Vendredi 14 février…J+8

Ca y est, on y est, et ce réglage tant attendu…

Je suis avec le docteur Fugain et Dominique Leveau, elles m’ont présenté mon implant, un nucléus esprit 3G, que je trouve mignon…puis installé à mon oreille, le Dr Fugain commence à me faire entendre différents sons.

Je m’attendais pas à ce genre de sons : des sons graves et aigus, métalliques, et raisonnant, ensuite une fois le réglage terminé, j’ai écouté sa voix et elle me demande comment je la perçois.

J’avais l’impression qu’elle était aïgue et en faite elle me dit que c’est le contraire.

Puis elle m’a laissé mon implant un bon moment, et j’étais content, j’ai essayé d’entendre divers bruits, même si je les entendais bizarrement, mais ça je le savais d’avance…

Puis je rentre à Clermont-Ferrand, chez moi pour le week-end, mais sans la prothèse, ce sera la semaine prochaine.

 

Lundi 17 février 2003… 2ème réglage

Pas grand chose à en dire. A peu près pareil que le vendredi précédent ; Mais j’espère que cela va progresser car tous ces sons métalliques, je me demande comment ils vont devenir !

Il faut être patient…

 

 

 

Mercredi 19 février 2003… 3ème réglage

Là, ce que j’entend commence à s’affiner !

Et super, je repars avec mon contour d’oreille…

Dès que j’ai quitté les locaux de Saint Antoine, j’ai commencé à percevoir les passants qui parlaient, mais pas très net encore. Puis je suis allé avec ma sœur boire un café au petit bar à côté de l’hôpital, en arrivant, il y avait des travaux publics, ça faisait énormément de bruit avec la circulation, tout se mélangeait mais je m’efforçais de les différencier, c’était très impressionnant…

Quand nous sommes rentré dans le bar, c’était déjà plus calme, j’entendais les portes des frigos qui se refermaient, le bruit des verres et des soucoupes, les gens qui parlaient, ça me paraissait pas net, mais chaque chose avait son bruit, et tous ces bruits je les percevais différemment, je ne pouvais pas les distinguer avant.

Nous avons ensuite pris le métro, j’ai été très surpris par une énorme sonnerie que je ne connaissais pas, ma sœur m’a dit que c’était la fermeture des portes du métro.

Il y avait même un jeune qui jouait de la clarinette, cela faisait bel et bien, un « brouhaha », mais je percevais bien la clarinette, les gens, et le bruit du métro, le bruit de chacun.

De retour chez elle, j’ai eu une idée subite : essayer mon portable qui jusqu’à présent ne me servait que pour les textos, pour la première fois.

Ca a été surprenant, là, j’entendais sa voix, je comprenais même les ¾ des mots qu’elle me disait (dans le calme bien sûr) !

Je suis enchanté et je rentre chez moi, à Clermont-Ferrand, pour quelques jours.

 

Les jours et les semaines qui suivent…

La semaine d’après, je commence ma rééducation avec le Docteur Fugain, et au bout de 2 semaines, les progrès sont fulgurants :

ce qui me plait le plus , c’est de pouvoir téléphoner… et maintenant même dans la rue, lorsque ce n’est pas trop bruyant !

 

 

 

Aujourd’hui, le 2 avril 2003, soit moins de 2 mois après mon implantation…

Je téléphone normalement, même avec des personnes que je ne connais pas, sauf certaines personnes qui parlent trop doucement. Je suis capable de prendre mes rendez-vous tout seul, je me passe de ma secrétaire particulière qu’était ma femme jusqu’à présent !

J’ai pris mon RDV chez le Docteur Fugain, moi-même.

J’entend toutes les sonneries à la maison, je répond au téléphone, à l’interphone.

En ce qui concerne la télévision, depuis des années je suivais les films avec uniquement le sous-titrage.

Aujourd’hui, je suis la télé avec un casque à infrarouge ordinaire sur la position T, et je me passe totalement, du sous-titrage, je regarde même des films étrangers et donc sans labiale, les émissions que je n’ai jamais pu suivre, avec un taux de compréhension de plus de 90% (les 10% restants sont des noms propres ou des lieux, et quelques mots par si, par là, mais qui sont vite compensés par le reste de la phrase). Pour arriver aux 100%, cela viendra avec le temps.

 

Le plus impressionnant, c’est par exemple quand je conduis, je ne me sers plus de la lecture labiale, ça facilite les échange avec ma femme, en regardant devant moi.

Les repas de famille, ça passe super bien, toute la conversation est suivie sans problèmes, et je me surprend à devenir bavard.

Moi qui me renfermais sur moi-même, maintenant je n’ai plus peur d’aller vers les autres, même avec des étrangers, j’engage la conversation et la compréhension se fait du premier coup !

L’implant m’a ouvert vers l’extérieur, je ne me reconnais plus moi-même.

J’ai envie de faire plein de choses avec ma famille, je perçois la voix de mes filles.

je revis totalement.

Ce n’est que le début, les progrès se font encore de jours en jours…

 

 

 

Mon avis personnel pour les futurs implantés :

 

Quand on est un sourd profond, qu’on a plus aucun plaisir auditif, il faut se décider à l’implantation, surtout si elle est envisageable et ne pas avoir peur, car la vie change totalement après, pour soi-même et pour l’entourage.

Il y a deux mois, je n’aurais jamais imaginé entendre ce que j’entend aujourd’hui, c’est comme si je renaissais une deuxième fois !!!!

 

 

Un grand remerciement au Professeur MEYER, au Docteur FUGAIN, à Dominique LEVEAU, à Catherine DAOUD, toute l’équipe du service ORL de Saint Antoine à Paris, à Sergio, Jeanine, Eric et tous les implantés et futurs pour leurs soutien et encouragements.