"Ce jour là ce fut un jour inoubliable : mon 1er réglage ........"

Mon parcours vers l'implantation cochléaire

Je m’appelle Sophie, je suis née le 28 mai 1973 en Alsace et c’est à l’âge de 2 ans que ma surdité fut décelée. J’ai été appareillée bi-latéralement à cette âge-là et ai pu suivre une scolarité normale jusqu’au bac pro comptable, grâce à l’aide intensive de mes parents, de l’orthophoniste et de la coopération de mes divers instituteurs.

Malgré tout j’ai appris à jouer du piano ainsi que la flûte traversière que je pratiquais intensivement dans un orchestre d’harmonie.

En 1989 j’ai perdu à 100 % l’usage de l’oreille droite

En octobre 2001, après plusieurs périodes de hauts et de bas mon oreille gauche « ne répond plus »

C’est à ce moment là que mon ORL m’a proposé de voir pour l’IC

C’est également à partir de ce moment que commence la formidable aventure, avec toutes les questions, les inquiétudes et les appréhensions.

Comment fonctionne l’IC ?

Suis-je implantable ?

Dans quel hôpital vais-je me faire implanter ?

Quelle marque d’implant faudra-t-il choisir ?

Quels sont les risques de l’IC ? comment se déroulera l’opération, les suites opératoires, fatigue, cicatrice etc.…

Comment fonctionne la rééducation, le nombre de séances, de réglages ? Que vais-je entendre ? Combien de temps faudra-t-il attendre pour entendre ? Pourrais-je un jour à nouveau prendre le téléphone ? jouer de la flûte et du piano ?

Comment vais-je faire pour rencontrer des personnes déjà implantées ?

Quel sera le coût de l’IC ? Prise en charge par ma mutuelle ?

Quelle sera la maintenance ultérieure de l’appareil et à quel prix ( piles, entretien, assurances) ?

Grâce à Internet, via le Visuf j’ai fait la connaissance de Catherine Daoud implantée à St Antoine de même qu’une autre personne implantée à Bâle (Suisse).

Voici les différentes étapes de mon parcours jusqu’à l’implantation cochléaire :

20 mars 2002 IRM

2 avril 2002 SCANNER

16 avril 2002 à Paris. Ce jour-là reste mémorable.

o Je rencontre Catherine Daoud. Son témoignage est primordial.

o J’ai rendez-vous avec le Professeur Bernard Meyer à St Antoine

o J’ai rendez-vous avec le Docteur Claude Fugain et je fais également la connaissance de Marie du Havre, implantée depuis peu et en rééducation chez le Dr Fugain

Ce 16 avril 2002 fut une journée très importante pour moi. Car c’était ce jour-là que j’ai pris la décision « d’y aller ».

Le Professeur Meyer m’a assuré que je suis « implantable »

Le Professeur Meyer ainsi que le Docteur Fugain sont d’une gentillesse vraiment exceptionnelle et surtout ont trouvé les paroles encourageantes et rassurantes.

Puis les « dates importantes » sont fixées très rapidement.

14 mai 2002 rendez-vous à Paris avec le médecin anesthésiste

23 mai 2002 implantation cochléaire

L’implant sera de marque Nucléus 24, Esprit 3G

Entre temps j’ai passé un test vestibulaire qui est un bilan de l’équilibre, absolument indolore, afin de prévenir les vertiges qu’ont apparemment la plupart des implantés quelques jours après l’opération.

Comme je viens d’Alsace et suis Maman d’un bébé de 10 mois qui a besoin de sa maman, il reste encore les démarches logement à accomplir, car la phase dite de réglage et de rééducation doit s’étaler sur un bon mois à Paris. Des allers-retours Mulhouse - Paris serait trop contraignants.

     Tom 10 mois

J’ai réussi à trouver un appartement près de la Bastille. Mon mari et mon petit Tom seront avec moi. Entre réglages et rééducation, nous pourrons visiter la capitale, si toutefois mon état me le permettra.

Toutes les démarches sont accomplies et il me reste plus qu’à attendre le jour « J », jour que j’attends avec sérénité.

J-1 (22mai 2002) :

Je suis rentrée à l’hôpital de St. Antoine à Paris à 16H, dans le service du Professeur Meyer. Mes parents m’accompagnent et restent sur Paris durant 3 jours.

On m’a demandé de me laver de la tête au pied à la bétadine (la couleur orange part heureusement dès le rinçage !).

J (23 mai 2002) :

Je devais encore une fois prendre la douche et me relaver à la bétadine, puis j’ai enfilé la fameuse blouse bleue des opérés.

Il est 6 heures du matin, j’ai un peu peur, j’envoie encore un SMS à mes parents qui logent dans un hôtel proche de l’hôpital.

Arrivée au bloc opératoire on m’a dit : « on y va » !!! Puis je ne me souviens plus de rien.

Mais une fois que j’étais réveillée j’ai cru n’avoir dormi que 5mn, et tout était déjà terminé.

Lorsque je me réveille dans ma chambre, Catherine Daoud est à mes côtés, elle appelle mes parents qui attendent avec impatience .J’ai un gros bandage sur la toute la tête. A peine réveillée, je fais la connaissance de Hélène Joly, implanté à Lyon depuis peu de temps qui était également à mon chevet. Quelle bonne surprise ! Et vive les implantés !

J+1 :

Pour le moment tout va bien, pas de symptômes. Je trottine dans les couloirs du service ORL avec ma « perf », j’accompagne mes parents jusqu’à l’ascenseur. Ouf !

J+2 et 3 :

Mes parents me voyant dans une forme relativement encourageante rentrent en Alsace. Mais le soir même mon état s’empire au fil des heures. Nausées, vomissements et vertiges, moral qui flanche, nuit affreuse et j’étais si seule à Paris. Mais, dans mon « malheur » il y a eu cette formidable disponibilité et gentillesse de l’équipe médicale. Et samedi matin le Professeur Meyer était à mes côtés pour me rassurer, me dire que tous ces symptômes « c’est normal ». Et aussi voilà mon mari qui est à mes côtés. Petit à petit, les vertiges et les nausées disparaissent, et dimanche soir je me sentais de mieux en mieux.

Lundi on m’a enlevé le drain qui était posé dans la cicatrice et qui rendait les nuits relativement difficiles.

J+5

Aujourd’hui c’est mon anniversaire. Papa est revenu sur Paris, Catherine est accompagnée de Gilles (implanté lui aussi ) et amène le gâteau. On va souffler les bougies (au fait où sont donc passé les fumeurs, nous ne trouvons pas d’allumettes !) l’équipe médicale est à mes côtés, bref c’est la fête, je vais bientôt (je l’espère) entendre !!!!!!

J+8 : 1er réglage

Ce jour là ce fut un jour inoubliable : mon 1er réglage ........

On m’a branché l’appareil à l’ordinateur. On a vérifié que toutes les électrodes fonctionnent. On m’a demandé de signaler dès que j’entendais le « bip » de chaque électrode. Puis j’ai du dire « stop » lorsque le bip était assez fort pour moi. Une fois terminé on m’a branché, et là , le miracle, super ça marche, j’entends des bruits !!

Mais que je ne comprenais rien du tout, puis petit à petit je me suis rendue compte que j’arrivais à comprendre un peu , et par hasard lorsque Claude Fugain a parlé j’avais compris : « euh……donc », j’étais aux anges. Et toute l’équipe avec moi était émerveillée.

On m’a laissé tester l’appareil dans ma chambre. Quelle chance, environ durant 3 heures et j’avais Catherine, « ma Marraine » à mes côtés. La je fus comme une gamine qui découvre tout. Je cherchais à faire plein de bruits pour écouter le son (et des choses que je n’ai jamais entendu), impressionnant. Je vais citer des exemples :

- j’entendais lorsqu’on claquait des doigts

- la musique d’anniversaire, très aiguë, sur une carte de vœux, je l’ai entendu sans problème.

- L’eau du robinet qui coule

- le clic d’un stylo à bille

- La chasse d’eau dans les toilettes est tellement bruyante, que je sors vite et ferme la porte.

- la bouteille d’eau qui crisse sous mes doigts

- le son de la musique à la télé, je tape le rythme !!!

- Catherine m’a emmené dans les jardins de l’hôpital ou j’entends la première fois les oiseaux.

Puis, à regret, je dois rendre le contour.

J+9 :

Nous sommes samedi, ma fiche de sortie de l’hôpital en main, j’attends mon mari et mon petit Tom. Je n’ai pas encore le contour. Il me faudra patienter encore quelques jours.

J+13 :

Encore un réglage, et à partir de ce moment là j’ai enfin pu garder mon appareil. Un superbe Esprit 3G!!!

Maintenant nous sommes tous les trois installés à Paris, et je vais faire la «navette» entre les réglages à St Antoine avec Dominique Leveau, elle aussi une personne exceptionnelle, et la rééducation chez le Docteur Claude Fugain.

Ce jour c’était l’anniversaire de Papa. J’avais mon portable qui n’a jamais servi que pour les SMS. Je prends mon courage, je compose le numéro et puis le miracle !!!

Sophie téléphonant avec son portable à Saint-Antoine !

J’ai pu converser quelques mots, je ne comprenais pas encore les phrases, mais j’ai saisi tout le fil de la conversation et j’ai encore échangé quelques mots avec Maman et mon frère et tous étaient éberlués. Quant à moi, je n’ai pas besoin de décrire l’émotion de cet instant-là.

J+14 et les suivants :

Les après-midi je vais à la rééducation chez Claude Fugain. Ce furent des instants merveilleux qui resteront gravés dans ma mémoire. Elle me dicte d’abord des phrases d’un livre d’enfant, puis des mots de plus en plus compliqués et sans aide de la lecture labiale, je les répète sans problème, j’ai très bien compris. Puis elle est passée à de courtes phrases, là aussi tout va bien

J+ 3 semaines :

Les dernières séances de rééducation se corsent. Claude me dicte des phrases de revues de presse. Là par contre c’était un peu plus dur, car il y avait de mots inconnus. Mais les réglages se sont affinés et petit à petit j’ai pu comprendre. Le contour est tellement bien réglé que je ne suis même pas gênée par les bruits de la ville.

Au bout de 11 séances de rééducation du 5 au 20 juin tous les jours (lundi au vendredi), Claude m’a donné le feu vert pour rentrer chez moi en Alsace et les séances de rééducation sont devenues superflues. L’essentiel de la rééducation est terminé.

Le 3 juillet 2002 : Je reprends mon travail. 

Je travaille dans la comptabilité. Là encore, aucun problème quant aux bruit des ordinateurs, des imprimantes des sonneries de téléphone et de l’entourage.

Je décroche le téléphone sans appréhension et grâce à la prise « T », je discute longuement avec toutes les personnes que je connais. Je me suis aussi hasardée à prendre des conversations d’inconnus. Là j’ai un peu d’appréhension, mais je persévère.

De temps à autre, mon mari prend un livre et me lit des phrases, ceci pour m’entraîner un peu. Nous considérons ces moments comme un jeu.

Mon petit Tom commence à vocaliser, je l’entends, je le comprends.

Pour la musique c’est un peu plus dur. Maintenant je dois réapprendre à entendre la musique autrement, je dois persévérer. Pour la flûte traversière le son est complètement différent de ce que j’avais entendu, mais je joue tous les jours un peu pour apprendre à entendre ce nouveau son. Pour le piano c’est plus facile, j’arrive mieux à distinguer les sons, mais là aussi je dois quand même réapprendre à entendre.

J+2mois :

Je suis heureuse d’avoir pris la décision de me faire implanter et si aujourd’hui c’était à refaire, je n’hésiterais pas, car ma vie à maintenant une autre qualité. Je porte le contour toute la journée et c’est juste au moment de m’endormir que je m’en sépare.

Je découvre maintenant des sons que je n’ai jamais entendus , comme le sifflement de l’air lorsque je fais du vélo, la pluie sur les feuilles, l’eau de la rivière qui coule, la sonnette de la porte d’entrée, les chuchotements etc…. et toutes ces découvertes m’émerveillent.

Merci à tous ceux qui m’ont accompagné dans ce cheminement vers « l’audition » et un autre mode de vie. Je remercie tout particulièrement

Mon mari qui m’a si bien soutenu et aidé dans ma surdité totale et encouragé pour l’implant ainsi que mes parents, mon frère et ma famille toujours à mes côtés

Catherine Daoud pour son témoignage et son aide si précieuse

Le Professeur Meyer et toute son équipe chirurgicale et soignante

Le Docteur Claude Fugain pour sa haute compétence

Dominique Leveau pour ses réglages performants

Madame Sarazin la secrétaire pour l’organisation.

J’espère que mon témoignage pourra servir et aider tous ceux qui sont intéressés par l’implantation cochléaire.

Sophie, Août 2002.