Stéphane ROMAN,
Et toute l’équipe d’implantation cochléaire

Adulte et Pédiatrique de l’AP-HM

Intervention du 16 Novembre 2019, à l’occasion de la réunion régionale Cisic à Marseille

Le professeur Roman souhaite la bienvenue à Cisic, à ses bénévoles et à l’importante assistance, rappelant l’historique marseillais de l’Implantation Cochléaire tant au point de vue médical qu’associatif.

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L’implantation Cochléaire à l’Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) existe depuis 1989 sous l’impulsion du Professeur Jean-Michel TRIGLIA et c’est en 2015 qu’un centre unique dédié à la technique de l’implant cochléaire sous l’égide de 3 services a été créé:

Le service Orl pédiatrique (Pr Nicolas au CHU La Timone), le service ORL adulte (Pr Lavieille, CHU La conception) et l’IDEC dont l’IPSIC* (Institut Provençal de Suivi de l’Implant Cochléaire), Pr Chabrol Hôpital Salvator. Cet ensemble est coordonné par le Professeur Associé Stéphane ROMAN

De 2015 à 2019, à l’AP-HM, 372 IC ont été posés (205 adultes et 167 enfants) avec toutes les marques d’implants proposées. C’est le 5°Centre Français d’implantation sur 32.

Puis le professeur Roman nous expose les similitudes et les différences entre l’implantation cochléaire chez l’enfant et chez l’adulte.

Les similitudes :

Que ce soit pour un enfant ou un adulte l’implantation cochléaire est basée sur les mêmes recommandations de la HAS édictées en 2009 et revues en 2012.

Les implants cochléaires sont indiqués en cas de surdité neurosensorielle sévère à profonde bilatérale. L’implantation est la plus souvent unilatérale mais une implantation bilatérale peut être indiquée.

Les résultats attendus avec l’IC doivent être meilleurs qu’avec la prothèse auditive.

Les Implants (partie interne) et les processeurs (partie externe) sont identiques, la cochlée ayant sa taille définitive dès la naissance (tube osseux de 30 mm).

Malgré des particularités chirurgicales (os fins de petite taille chez les enfants par exemple), il n’y a pas plus de complications post-opératoires chez l’enfant de moins de deux ans que chez l’adulte.

Le temps chirurgical est d’environ 1h30 soit 3h au total au bloc chirurgical.

Les différences :

L’âge d’implantation

Le point essentiel pour l’indication d’implantation c’est la date de survenue de la surdité profonde par rapport à l’acquisition du langage.

Cas de l’adulte devenu sourd

🡪    Surdité post-linguale (survenue après acquisition du langage > 5 ans) : l’IC est posé pour réactiver les circuits auditifs centraux existants.

🡪    Audiométrie vocale avec discrimination ≤50% à 60 dB, en champs libres, avec prothèses auditives adaptées, sans lecture labiale et en utilisant les listes de Fournier

🡪    Pas de limite d’âge supérieure chez l’adulte.

🡪    Chez le sujet âgé, l’indication est posée après une évaluation psycho-cognitive.

Cas de l’enfant sourd profond congénital

🡪 Surdité pré-linguale (survenue avant 2 ans) : L’IC est posé pour permettre de développer le « câblage » cérébral du langage oral et de la pensée (plasticité cérébrale, période critique du développement du cerveau…)

  • Audiométrie avec perte auditive moyenne ≥90 dB et lorsque le gain prothétique ne permet pas le développement du langage
  • Chez les sourds pré-linguaux, l'implantation doit être la plus précoce possible.
  • Au-delà de 5 ans, en cas de surdité congénitale profonde ou totale non évolutive, il n'y a d'indication que si l’enfant est entré dans une communication orale, et il peut alors bénéficier d’une implantation quel que soit son âge.
  • Une stimulation sensorielle précoce est importante car la surdité prélinguale perturbe la maturation des structures auditives centrales. Il existe une période critique pour l’apprentissage du langage oral et de la pensée (2-4 ans). La stimulation du système auditif par les prothèses auditives classiques et ou l’implant cochléaire doit donc être appliquée le plus tôt possible
  • Cette intervention précoce nécessite un diagnostic précoce favorisé par le dépistage néo-natal en maternité des troubles auditifs.

Pourquoi implanter le plus tôt possible chez l’enfant et aucune limite d’âge chez l’adulte ?

Parce qu’il existe des phénomènes de plasticité cérébrale intenses dans les 2 premières années de vie et qui auront tendance à décroître par la suite. Sans stimulation auditive précoce, les zones cérébrales dédiées à la perception auditive et au langage risquent d’être colonisées par les voies visuelles avec des phénomènes de réversibilité de plus en plus faible avec le temps. L’IC précoce limite ces effets négatifs sur le langage

Chez l’adulte, le câblage auditif est établi mais la surdité d’une part et par contre coup les autres stimulations sensorielles efficientes dont la vision pourront détourner avec le temps certaine zone cérébrale dédiée à la perception auditive de leur fonction initiale. L’IC permettra une recolonisation de ces zones auditives cérébrales. Cette plasticité cérébrale avec cette réversibilité sera d’autant plus difficile à obtenir que la surdité sera ancienne.

Quelques recommandations :

Il est recommandé s’il existe une audition résiduelle dans l’oreille controlatérale à l’implant d’inciter les patients adultes ou enfants à utiliser une aide auditive.

Pour les enfants :

- Proposer une implantation bilatérale quand la surdité bilatérale est sévère à profonde.

- Réduire le délai entre 2 implantations (avant 18 mois)

-Proposer une chirurgie d’implant avant 12 mois.

Les soins post-implantation

Chez l’adulte

Réglages d’implant, rééducation orthophonique en insistant au départ sur la synergie visuo-auditive, travail auditif spécifique en parallèle et +/- soutien psychologique. Au préalable, la lecture labiale sera travaillée en rééducation orthophonique.

Chez l’enfant

Concernant les réglages et la rééducation, on doit prendre en compte le calendrier du développement cérébral et du langage oral : du babillage (6mois) à l’association de mots (24 mois), la fin de maturité du cortex auditif étant atteinte à l’âge de 4 à 6 ans. La surdité va toucher au développement même de la pensée et de son expression en langage, elle affectera la langue (orale et écrite), outil de représentation de l’univers et de communication…..Si pas de prise en charge pluridisciplinaire précoce.

Réglages de l’implant et prise en charge orthophonique (2 à 3 séances hebdomadaires durant le temps nécessaire). Ceci peut être complété, suivant les cas, par une prise en charge pluridisciplinaire (orthophonique, psychologique, psychomotrice, pédagogique etc. …), via des établissements ou services médicaux-sociaux avec ou sans implication de la MDPH**.

Les principes du réglage de l’implant chez l’enfant et chez l’adulte sont identiques. Toutefois chez l’enfant, il faut prendre plus de précautions et s’appuyer sur une observation attentive pour arriver à capter les moments où l’enfant réagit avec en complément des tests objectifs.

Conclusion

Naître sourd (sévère à profond) ou le devenir, il y a des similitudes et des différences.

Mais le plus important, c’est ce qui rassemble : entendre et comprendre

*Recommandation de la HAS 2012 :

https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/fiche_bon_usage_implants_cochleaires.pdf

**MDPH : Maison Départementale de la Personne Handicapée

Services Spécifiques pour les enfants :

Avec notification MDPH

SAFEP : Service d’aide familiale à l’éducation précoce de 0 à 3 ans

SSEFS : service de soutien à l’éducation familiale et à la scolarisation de 3 à 20 ans

Sans notification de la MDPH

CAMPS DA centre d’action médico-sociale précoce spécialisé en Déficiences Auditives de 0 à 6 ans