Le 2 Octobre 2010, en marge de l'assemblée générale du CISIC, s'est tenue une conférence sur "les dernières avancées scientifiques sur les thérapies régénératrices de la déficience auditive : Science-fiction ou Avenir?" organisée par Monsieur Joseph ZIRAH, Délégué Régional CISIC du Languedoc Roussillon, et animée par Monsieur Azel ZINE, Professeur à la faculté de Pharmacie, Université Montpellier I et chercheur à l'Institut des Neurosciences de Montpellier (Inserm).

 

Je tiens à saluer à la fois un ami mais aussi le conférencier pour la qualité et le discours durant une bonne heure et demie d’exposé pédagogique, longuement ovationné dès la fin de la conférence.

 

S’il y a une possibilité qui fait rêver les chercheurs, les cliniciens et surtout les personnes touchées par la surdité, c’est bien la possibilité d’une régénération des récepteurs auditifs, les cellules ciliées. En effet, devant la recrudescence des surdités induites par de nouvelles expériences sensorielles chez les adolescents, les conséquences de ces comportements sont en passe de devenir un problème médical majeur. L’éventualité d’une régénération des cellules ciliées  apparaît comme une possibilité d’échapper aux conséquences sensorielles et psychologiques liées à la surdité. Il était admis depuis des décennies que les récepteurs auditifs après leur disparition n’avaient pas la capacité de régénérer, quelle que soit la cause, ce qui conduisait donc à une surdité sensorielle permanente. Depuis plus d’une dizaine d’années, une éventualité de régénération des cellules ciliées  est apparue, même si elle n’est pas confirmée actuellement chez l’homme, cette idée fait son chemin et n’est plus regardée comme une impossibilité à long terme.

 

Avec un certain recul, on peut se poser la question suivante : quelles sont les avancées scientifiques qui ont permis d’entrevoir cette éventualité de régénération des cellules ciliées  au niveau de la cochlée?

 

Une des premières observations concerne la production continue de cellules ciliées   au delà de la période embryonnaire chez les vertébrés inférieurs tels que les poissons dont l’oreille interne est essentiellement constituée par des épithéliums vestibulaires. L’autre observation majeure a été la découverte du même phénomène chez les oiseaux et la capacité de régénération des cellules ciliées vestibulaires et auditives chez l’adulte après destruction expérimentale. De plus, cette régénérescence des cellules ciliées  auditives s’accompagne d’une récupération fonctionnelle plus ou moins totale selon le type d’atteinte.

 

L'enjeu de ces thérapies est de dimension internationale, tant les équipes de chercheurs s'activent, en France, USA, UK, Japon, et Australie pour tenter d’extrapoler les observations faites chez les Oiseaux sur le mammifère avec une arrière pensée bien évidemment, de la possibilité de régénérer les cellules ciliées  chez l’homme.

 

Pour bien saisir l'état actuel des avancées sur les recherches, un petit rappel :

Les ondes sonores présentes dans notre environnement entrent dans l'oreille externe pour faire vibrer le tympan. Ce mouvement est transmis grâce aux osselets vers l'oreille interne. Les vibrations sont amplifiées lors de leur transmission. Une onde de pression se propage ensuite dans la périlymphe de la cochlée qui contient les cellules ciliées. Lorsque ces cellules ciliées  sont stimulées, un message se propage dans les neurones auditifs du nerf cochléaire, ce qui permet au cerveau de percevoir le son.

L’oreille interne du cobaye a la même morphologie que celle de l'homme, d’où les nombreuses expériences sur cet animal. Les cellules ciliées  sont supportées à leur base par des cellules de soutien et branchées aux neurones auditifs primaires.

 

Les cellules ciliées  et leurs neurones endommagés chez l'homme et les mammifères ne se renouvellent pas naturellement.

 

Actuellement, deux approches expérimentales sont explorées chez le cobaye et la souris pour une stimulation de la régénération des cellules ciliées  et des neurones : les thérapies génique et cellulaire.

 

➢ Côté thérapie génique, des chercheurs américains ont montré qu’il est désormais possible de produire des cellules ciliées  dans la cochlée du cobaye. Le gène Math1 (gène indispensable à la formation de la cellule ciliée) fut transféré par l’entremise d’un virus inoffensif. Le transfert de ce gène a favorisé l’apparition de nouvelles  cellules ciliées chez l’animal, 2 mois après une lésion expérimentale des cellules ciliées  de la cochlée.

Par contre, le nombre de cellules ciliées  qui ont régénérées était faible pour parvenir à une récupération complète de l’audition du cobaye ayant été rendu sourd par des drogues otologiques. Aussi la connexion de ces nouvelles cellules ciliées  avec les neurones et le cerveau auditif n’a pas été démontrée dans ces études.

 

➢ Côté thérapie cellulaire, le groupe de recherche dirigé par le Pr. Zine à Montpellier était le premier à isoler et purifier une sous-population de cellules souches/progénitrices tissulaires au niveau de la cochlée de la souris postnatale. Une fois cultivées in vitro, ces cellules prolifèrent avant de se différencier en progéniteurs des cellules ciliées.

Une autre équipe de chercheurs de l’Université Stanford, USA dirigée par le Pr. Heller a mis au point un protocole original permettant d’obtenir in vitro des cellules progénitrices des cellules ciliées. Ces scientifiques ont cherché a orienter la différenciation des cellules souches embryonnaires (ES) et des cellules souches à pluripotence induite  (IPS) de souris, en cellules ciliées, cellules de soutien et neurones auditifs.

 

En clair on ne fabrique pas de cellules ciliées, mais on impose à la cellule souche de se convertir vers la voie de la différentiation caractéristique du développement de l’oreille interne.

 

Chez l’homme, l'implant cochléaire est le seul traitement disponible aux surdités neurosensorielles. Il vise à restaurer l’audition d’une façon artificielle en stimulant directement, au moyen d'électrodes implantées chirurgicalement, les neurones auditifs résiduels dans la cochlée. Néanmoins, cette technique requiert une préservation d’un capital de neurones du ganglion auditif et ne restaure pas une audition normale; l’idéal serait de concevoir une thérapie cellulaire, basée sur la greffe de progéniteurs neuronaux pour régénérer les neurones auditifs détruits.

 

Le nerf auditif est plus accessible chirurgicalement que la cochlée, ce qui laisse  entrevoir plus d’espoir de greffe de progéniteurs neuronaux qui en se différenciant en neurones auditifs pourraient optimiser l’efficacité fonctionnelle des implants cochléaires qui repose sur le maintien et la survie des neurones auditifs dans l’oreille interne

 

 

Applications futures possibles sur l'homme ?

Il faudra plusieurs essais dans des modèles animaux de surdité humaine.

 

 

Et les moyens financiers pour activer les recherches ?

En France, le gros problème avec les recherches est le financement. Il est dérisoire, ce qui n'est pas le cas aux USA, qui outre des financements institutionnels colossaux a en plus le soutien de puissantes associations de patients qui poussent les pouvoirs publics à soutenir la recherche sur ce déficit sensoriel majeur, la surdité.

 

Questions du public ?

 

- Quels sont les médicaments ototoxiques néfastes pour l'oreille ?

L’O.M.S. (Organisation Mondiale de Santé) a édité une liste de 130 médicaments ototoxiques.

 

- Pourra-t-on se passer de l'implant après une greffe ?

Pas de réponse en l’état actuel.

 

- Quand la régénération des cellules ciliées  deviendra une réalité pour les patients ?

Lorsque les essais sur les modèles animaux seront durablement concluants.

 

- Comment déterminer les patients candidats ?

En cours de réflexion.

 

- L’implant cochléaire peut-il continuer à être nécessaire devant les thérapies de la régénération ?

A priori, oui.

 

- Serait-il possible que les patients implantés puissent bénéficier des thérapies génique ou cellulaire ?

Oui, lorsque les essais sur les modèles animaux seront durablement concluants.

 

- Surdité de naissance ou surdité sur de longues périodes : comment le cerveau va réagir après une greffe?

Mystère !

Article rédigé conjointement par Monsieur Joseph ZIRAH et Monsieur Azel ZINE.

Pour toute demande de renseignements ou précisions, contactez :

Joseph ZIRAH

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