Le premier implant :
Depuis pas mal d’années mon audition allait se dégradant, allant d’Oto-rhino à spécialistes. A la fin certains m’ont fait comprendre qu’il n’y avait plus rien à faire. Aucun ne m’a parlé d’implant, j’en n’avais jamais entendu parler, pourquoi ? C’est si merveilleux.
J’ai dit à mon médecin traitant : j’ai l’impression que je ne suis pas prise au sérieux. Il m’a envoyé voir un spécialiste à l’hôpital Pasteur du Coudray tout près de Chartres, le docteur Saez..
Après deux consultations, il m’a envoyée à Paris voir le Professeur Meyer à l’hôpital Saint Antoine. Enfin, je pouvais aller jusqu’au bout de l’espérance qui m’était offerte.

Le 21/11/2005 : Rendez-vous avec le Professeur Meyer.
J’ai été accueilli par le Professeur Meyer d’une manière exceptionnelle, très sérieuse sur le plan écoute, dialogue, projet… Il me montre un appareil complet et m’explique le mécanisme, une merveille ! Cela fait du bien d’être prise au sérieux, de constater le souci du progrès, de me le proposer. Le dynamisme du professeur Meyer, son espérance, met du baume dans le cœur.
La proposition de me poser un « implant » je suis « OK » ainsi que la sœur qui m’accompagne.
En partant le Professeur Meyer me parle d’une association, gérée par des personnes qui ont été opérées, « C I S I C » et me dis d’aller les voir.

Le 01/12/2005 : rencontre avec l’association « CISIC »
J’y suis allée, accompagnée. Lorsque nous sommes arrivées il y avait beaucoup de personnes entre 20 à 30 en tout, Catherine Daoud, la responsable, m’attendait car le Professeur Meyer lui avait dit que je venais ce jour là. Nous avons été très bien accueillies… Ma première constatation en moi même : « …ils sont ensemble, parlent, les conversations parfois entrecoupées… et ils s’entendent ! se comprennent ! comment font-ils puisqu’ils sont sourds et avec implant ! Est-ce possible ? …»
Alors moi sourde comme un pot et bien qu’ayant des appareils numériques, j’avais beaucoup de difficultés à capter quelques paroles malgré toute mon attention, dans la pièce ça résonnait très fort, mais mon attention se portait sur l’observation des membres.
Un membre m’a parlé dans l’entrée, à la fin de la rencontre, j’étais contente. Dans la salle il y avait également quatre étudiants prothésistes, dans tout ce bruit de paroles ils posaient des questions à un membre implanté de l’association qui entendait ! répondait aux questions ! je suis allée auprès d’eux pour mieux me rendre compte, j’en étais ébahie !…Pendant ce temps d’autres étaient à l’écoute, par petits groupes, des futurs implantés. Quelle attention !
Je suis partie fatiguée, un peu abrutie, mais beaucoup d’espoir dans le cœur.
Les feuillets qui étaient sur la table ont été d’une aide précieuse pour moi et pour les personnes qui m’entourent. Merci à tous…

Le 18/01/2006 : Je suis allée seule pour l’examen de l’équilibre, tout est bon, la porte reste grande ouverte pour l’opération. Puis, je vois le professeur Meyer… Secrétaire… Accueil très attentif, dialogue…Et la date de l’opération est fixée le 23 février, je rentre le 22 à l’hôpital de Tenon. La visite avec l’anesthésiste le 14. Je suis contente, je fais confiance, je n’ai rien à perdre…

Le 19/01/2006 : nouvelle rencontre avec l’association.
J’y suis allée avec une sœur qui vit avec moi, c’est important que les proches connaissent de près cette aventure si belle pour comprendre l’évolution de la future implantée que j’étais.
Lorsque nous sommes arrivées, avant l’heure, il n’y avait que l’équipe de l’association. J’étais très contente d’échanger quelques mots avec Catherine, Marie-Pierre, Jean-Jacques, Joëlle,…Ils avaient préparé des gâteries pour l’accueil. Catherine m’a demandé ma première impression du 1 / 12… Puis tout le monde est arrivé les uns après les autres… Beaucoup de bruit de paroles…beaucoup de joie de se revoir…et d’accueillir les futurs implantés.
Dès le début Catherine a donné son témoignage… a fait un tour de table…chacun racontant son expérience. La sœur qui m’accompagnait me racontant en gros à l’aide d’un papier. A un moment Marie-Pierre, implantée et membre de l’association, prend son portable, son mari l’appelle, elle répond alors qu’il y a du bruit de parole dans la salle…elle peut quand même communiquer avec son mari tout en étant sur place, je suis stupéfaite ! elle entend au portable ! dans le bruit !
Catherine parle maintenant de l’opération…L’expérience de chacun est relatée simplement, différente, mais dans le fond est identique. Je devrais avoir un dossier là-dessus, Catherine va me l’envoyer, merci. Un homme arrive vers la fin, il est implanté, il était complètement sourd, il faut qu’il apprenne à parler, il nous dit quelques mots. La rencontre en grand groupe est terminée. Chaque futur implanté a une attention particulière avec un des invités…Et c’est l’heure de repartir. Que de joie ! dans ces rencontres pas comme les autres.
Merci pour tout ce que vous faites… Votre travail, votre présence, sont importants pour tous. Votre équipe très appréciée.
J’ai été opérée pour le premier implant le 23 fév. 2006 à l’hôpital de Tenon.
Avant de partir je connaissais beaucoup de personnes, que j’ai informées de ce projet ; certaines me disant que j’allais servir de cobaye… l’opération s’est bien passée… les électrodes marchent.
A mon retour de Paris avec l’implant en marche, je pouvais entendre, entendre… mon cœur était à la joie. J’entendais des bruits venant de partout, et j’essayais de savoir ce que c’était et d’où ils venaient. Puis traversant un jardin public, surprise ! J’entendais les oiseaux, le vent qui passait dans les branches des arbres, les cailloux, lorsque je marchais. J’ai mis du temps pour rentrer à la communauté. A la communauté, j’ai fait du bruit volontairement avec beaucoup d’objets qui m’étaient familiers, je les entendais bien. J’entendais même certains chants sur cassettes.
Je suis allée à des séances d’orthophoniste, ça été un plus, je suis devenue plus autonome…
L’implant est une nouvelle oreille qui fait parti de mon corps à part entière et j’en suis fière.

Deuxième implant :
En novembre 2016 je vais passer un contrôle pour le 1er implant, en attendant dans le couloir le Professeur Meyer m’invite à entrer dans son bureau et m’explique, durant environ une heure, le bienfait d’un 2ème implant : « … je vous le propose afin d’équilibrer votre audition des deux côtés… il est temps de le faire car du côté droit votre cerveau n’est plus stimulé par l’audition… »
Le professeur Meyer avait programmé les différents examens, j’y suis allée, tout était bon ainsi je n’avais pas de questions de ce côté là.
Je ne m’y attendais pas, cela m’a posé bien des questions… il me fallait réfléchir.
Pour mon 1er implant je m’étais dis : « de toute façon je n’ai rien à perdre vu que j’entends très mal » pour le 2ème implant je ne me suis pas dit la même chose, c’était tout à fait différent, car vu que je me débrouillais pas si mal, j’ai pesé davantage la situation…

Alors j’ai contacté Catherine Daoud à l’association C I S I C qui m’a donné son point de vue, Françoise m’a donné aussi son avis. Catherine me dit que maintenant elle en a deux. Je décide donc d’aller les voir pour me rendre compte du bienfait. Leur point de vue est différent, en cela j’apprécie car ainsi je peux faire plus facilement le point personnellement. J’ai lu le témoignage de Catherine qui m’a beaucoup intéressé.
J’avais à prendre ma décision personnellement en lien avec les sœurs de la communauté… ce qui fut fait. Et c’est important que l’entourage soit porteur d’adhésion, d’aide...

J’ai constaté que pour le 2ème implant il me fallait un facteur temps un assez long temps devant moi pour la réflexion afin d’être bien prête à cette éventualité et de bien assumer, être détendue...

Opération du 2ème implant est prévue le 4 avril 2016 par le chirurgien Dr Daniele Bernardeschi à l’hôpital Pitié-Salpêtrière. Tout s’est bien passé, la méthode est un peu différente d’il y a 10 ans pour mon 1er implant. Au bout de 2 jours je suis sortie et revenue par le taxi à Chartres. Le 2 mai je suis allée à Paris pour activer les électrodes qui ont bien marchées de suite, j’étais contente. Merci à Amélie qui me fait les réglages. Il me fallait maintenant travailler cette nouvelle oreille afin de me perfectionner et j’étais bien d’accord de suivre le processus.
Je suis allée à Paris régulièrement pour le réglage avec Amélie, (parfois je pense que pour les régleurs ça ne doit pas être facile de jongler entre la technique et le quotidien de l'implanté)
Je suis aussi allée chez l’orthophoniste Mme Canavese à Chartres, dés la 1ère séance celle-ci n’en revenait pas de la manière dont j’entendais déjà avec mon nouvel implant, (entre Paris et Chartres elles se communiquent sur l’évolution et la marche à suivre).
Je savais que j’avais bien des progrès à faire, ces progrès sont venus en travaillant, dés le départ j’ai mis des chants très fort ainsi que de la musique afin de stimuler mon cerveau, puis l’écoute de CD, écoute de lecture sur Google… et je le fais encore car il me faut poursuivre. Aussi ce que j’ai trouvé important c’est porter une attention concentrée à ce côté de mon cerveau « du comment il entend, entendre vibrer les sons de ce côté » cela afin de bien dissocier les deux côtés dans leur audition, les sons captés... ainsi dés le réveil, pour le petit déjeuner je mets toujours en marche le nouvel implant sans l’autre, puis quelques temps après je mets l’autre.
Je sens que ma nouvelle oreille capte bien, que mon cerveau capte bien, j’entends des deux côtés. Mais j’ai encore bien des progrès à faire.

Au bout de plusieurs mois je constate que les deux se mélangent un peu, je pense que c’est comme pour les entendant qui, bien souvent, n’ont pas conscience qu’ils entendent des deux côtés.
J’avoue que maintenant il m’est difficile de me passer d’un des deux implants, ils se complètent bien c’est vraiment un bons duo. Lorsque j’écoute je m’aperçois que je reçois les sons des deux côtés.
C'est un équilibre que je ressens, un merci monte de mon cœur pour tous ceux qui travaillent pour nous, cet équilibre je le ressens dans tout mon cerveau, ma tête entière, j'entends pour ainsi dire tous les bruits, les deux implants s'équilibrent, je pense que je suis un peu comme un entendant qui a ses deux oreilles qui entendent, je ne suis plus "bancale"! ou presque.
Maintenant lorsque j’en éteins un il me faut un temps, assez court, d’adaptation pour bien entendre avec celui-ci. Je pense que les deux se stimulent et sans l’autre c’est comme bancale. Je constate qu'en ayant retiré un implant je sens que dans ma tête il y a quelque chose qui ne marche plus bien je me sens comme handicapée déséquilibrée, et cela est valable pour l'un comme pour l’autre des deux implants.

Dans la rue, lorsque je suis seule et qu’il y a beaucoup de bruit, j’éteins souvent le 1er afin de stimuler mon cerveau avec le second, et alors si une personne vient à moi je peux quand même l’entendre et avoir une conversation avec elle sans allumer le 1er.

Certains de mes proches m’ont dit :
« Maintenant tu parles normalement, plus comme une sourde ».
« Tu entends bien maintenant, c’est agréable pour toi et pour ceux que tu côtoies »

Parfois on me demande de parler plus fort, il m’a fallu m’adapter à mon son de voix et à sa tonalité car si je parle ce n’est pas pour moi mais pour les autres. J’entends plus facilement ceux qui ne parlent pas fort, à condition qu’elles ne soient pas trop loin. Au téléphone, si un appareil a les piles usées tout d’un coup, je peux entendre de l’autre côté, c’est pratique.

 

 

Mon expérience pour le réglage des électrodes, ce n’est pas évident de trouver le son juste à chaque électrode, il m’a fallu être concentrée pour trouver la justesse. Par exemple lorsque j’écoutais la première électrode qui est grave elle me paraissait bien sur le coup mais pas dans le quotidien, c’est au bout de presque qu’un an que tout est bien.

Mon cheminement chez l’orthophoniste a été bon, les séances ont été pour moi comme un repère dans mon audition pour mieux avancer, j’ai aussi vite fait des progrès car j’ai fait moi-même des exercices en essayant de bien reconnaitre les bruits du quotidien et de les repérer, d’être concentrée pour reconnaitre les bruits et faire marcher mon cerveau.
J’ai mis le plus possible les implants dés le début, que ce soit pour le premier ou le deuxième je les ais mis tous les jours sans arrêt, sauf exception, même si cela était un très grand changement dans ma tête.
J’étais conscient qu’il faut savoir que le mécanisme des oreilles qui n’entendent pas a une grande influence sur le cerveau qui s’endort, il faut donc réveiller ce mécanisme cet endroit du cerveau qui s’est endormi au cours des années, ce réveil qui est à faire est plus ou moins long selon les personnes, avec des résultats parfois différents.
Je savais que ce chemin de réapprendre à entendre n’est pas de tout repos, mais quelle chance dans le résultat qui nous attend.

Au terme d’une année je puis affirmer que je suis heureuse, je vis normalement et je peux avoir des contacts comme tout le monde. Je fais seulement très attention lorsque j’ai par exemple un rendez-vous à prendre, cette peur de mal comprendre les choses très précises me tenaille et me pousse à demander de l’aide d’écoute ou de me faire contrôler, c’est mieux ainsi.

En final il m'a fallu un an pour être bien avec mes oreilles, et même très bien.
Ma dernière consultation avec Amélie à Paris était en mai 2017, et après cette consultation je suis allée revoir l'orthophoniste pour un dernier contrôle d’audition... je lui ai dit au cours de la séance que j’avais quand même des failles, elle m'a répondu "vous entendez comme moi", sur le coup j'ai pris cela comme une blague, puis elle me dit «  vous avez été courageuse et vous entendez bien et c'est vrai ».

    Oui, je trouve que si tous ceux qui reçoivent un implant entendent comme moi c'est une très belle réussite. Je suis heureuse et vous dis encore merci.

    Avoir une ou deux nouvelles oreilles c’est une renaissance pour soi et pour l’entourage. C’est faire un chemin qui donne une chance qui socialise et réintègre avec la vie et avec les autres... c’est un miracle qui passe par les mains des savants. Merci à tous les chercheurs, les professionnels, les bénévoles.

Témoignage de sœur Dominique. Chartres, août 2017.