Je suis Olivier, j’ai 43 ans et je suis bi-implanté. J’ai choisi de témoigner de manière à ce que les lecteurs puissent connaître toutes les étapes que j’ai franchies pour entendre avec mes implants cochléaires. Cela pourra vous sembler assez barbant, mais c’est simplement ce que j’ai vécu décrit de manière détaillée.

 

Avant l’implant cochléaire

 

J’ai entendu correctement jusqu’à l’âge de 3-4 ans. Peu après, mes parents se sont rendus compte que je ne répondais pas lorsqu’ils m’appelaient (et que je ne les voyais pas). Nous sommes allés voir un ORL qui, après quelques examens, a proposé à mes parents de m’opérer des oreilles en me posant des drains. A l’époque (je ne sais pas si c’est encore la cas aujourd’hui), c’était assez courant chez les petits garçons. Les drains sont “tombés” tous seuls. Vers l’âge de 6 ans et demi, il a été indispensable de m’appareiller. J’ai donc porté des prothèses auditives de 6 ans jusque 41 ans.

 

J’ai suivi une scolarité classique en me débrouillant assez bien même si certains moments étaient assez compliqués (en langues étrangères par exemple).

Je n’ai jamais signé. J’ai toujours compensé avec la lecture labio-faciale et la suppléance mentale. Cela m’a permis d’obtenir mon permis de conduire, mon baccalauréat B et une maîtrise AES (Administration Economique et Sociale) à l’Université de Lille 2. J’ai ensuite trouvé un travail dans la Mairie de ma ville de résidence avant de passer plusieurs concours pour évoluer vers des postes plus intéressants. Aujourd’hui, je suis cadre dans un établissement Public Territorial.

 

En novembre 2012, je me suis lancé dans une procédure de reconnaissance de handicap auprès de la MDPH 59 car je me préparais à renouveler mes prothèses auditives. Afin d’anticiper la décision que j’espérais positive, j’ai décidé de faire établir des devis d’audioprothésistes. En mai 2013, l’une de ces audioprothésistes m’a annoncé que les prothèses auditives n’étaient plus adaptées à ma surdité. Elle m’a conseillé de voir un / une orthophoniste pour améliorer me lecture labio-faciale et m’a orienté vers le CHR de Lille en évoquant l’implant cochléaire.

 

Cela m’a fait un choc. Même si je m’attendais à devenir sourd un jour (je perdais régulièrement des décibels depuis 7-8 ans), cela m’a déstabilisé.

 

L’implantation cochléaire

 

N’étant pas d’une nature à me morfondre, j’ai rapidement repris du poil de la bête. J’ai donc demandé un rendez-vous au CHR de Lille. Parallèlement, j’ai fait des recherches sur internet au sujet de l’implant cochléaire. Et là, j’ai eu une très grosse surprise en cliquant sur le site du CISIC. Il explique ce qu’est l’implant de A à Z et propose les témoignages d’implantés ou de parents d’implantés. J’ai été épaté et surtout rassuré.

 

Cela m’a permis de me présenter sereinement au rendez-vous du CHR qui avait été fixé au début du mois de juillet 2013. J’ai été reçu par une ORL d’abord martial, pour ne pas dire militaire. Elle m’a fait passer un audiogramme et m’a indiqué que j’étais “éligible” à l’implantation. En effet, ma perte globale était supérieure à 100 décibels et je n’entendais plus certaines fréquences aiguës.

 

Mais avant d’y passer, je devais passer un certain nombre d’examens afin d’éliminer les contre-indications. J’ai donc “fait” une IRM, une radiographie, une échographie, un bilan sanguin, un bilan urinaire, un bilan cardiaque, un bilan orthophonique et une recherche génétique. Mais contrairement à d’autres implantés, je n’ai pas eu de bilan psychologique à réaliser.

 

Je suis retourné voir l’ORL du CHR qui m’a annoncé que les résultats étaient positifs (vous vous en doutez bien, au vu du titre !). Elle m’a donc demandé de confirmer mon choix, ce que j’ai fait sans hésiter. Elle m’a expliqué la suite de la procédure (présentation et proposition de mon dossier à l’implantation), les délais (opération en décembre ou janvier) et comment allait se dérouler l’opération. Puis, elle m’a emmené choisir la couleur du processeur. N’ayant pas trouvé de rose bonbon à pois vert, j’ai opté pour une couleur plus sobre, le marron ^^’.

 

Ces examens m’ont également permis de faire la connaissance de l’orthophoniste qui allait s’occuper de ma rééducation, Madame R.

 

Initialement prévue en décembre, l’implantation a eu lieu le 13 novembre 2013. A part une légère crainte inhérente à toute opération sous anesthésie générale, j’étais assez serein (contrairement à mes parents… quelque soit votre âge, les parents sont là pour s’inquiéter pour vous !).

 

Rentré à l'hôpital la veille, je me suis shampouiné à la bétadine en insistant particulièrement derrière et dans les oreilles. Le lendemain matin vers 6h00 (je passais en premier), j’ai remis ça. Ensuite, j’ai avalé le relaxant puis on m’a emmené au bloc opératoire. La seule chose dont je me souvienne une fois arrivé en bas, c’est que je me les gelais ! Mais qu’est ce qu’il faisait froid la dedans !!

 

Je me suis réveillé dans la chambre, mais j’ai eu beaucoup de mal à m’extirper de l’anesthésie. J’ai eu un peu mal, alors les infirmières m’ont mis une perfusion supplémentaire et puis, cela a été rapidement beaucoup mieux. C’est d’ailleurs la seule que j’ai eue car les comprimés de paracétamol suffisaient. A part cela, je ressemblais à une momie avec ce gros bandage !

 

Opéré le mercredi, je suis sorti le samedi matin avec une ordonnance pour du paracétamol, des antibiotiques, de quoi faire les bandages et des soins infirmiers. On m’a également remis le numéro de série de l’’implant pour le faire assurer, ce que j’ai fait le lundi à la première heure.

 

Mon médecin traitant m’a arrêté trois semaines et c’était très bien. La première semaine a été compliquée au niveau des nuits car des douleurs me réveillaient.

 

Une semaine après l’opération, je suis retourné au CHR de Lille. L’ORL ma retiré les fils et m’a dit que j’avais une belle et saine cicatrice.

 

Avec l’implant cochléaire

 

Trois semaines plus tard, je suis retournée au CHR pour l’activation. Lors de ce rendez-vous, le régleur m’a informé que la référence était désormais l’implant et non plus la prothèse auditive. Et puis, il a branché le processeur. Le son était vraiment bizarre. j’entendais des bips. Tous les bruits étaient des bips.

 

La rééducation a commencé le soir même, c’était fatiguant et assez difficile.

 

A la suite de cette 1ère séance et pour mettre toutes les chances de mon côté, j’ai décidé de faire travailler le côté implanté au maximum. J’ai donc coupé le plus souvent possible la prothèse auditive : à la maison, au bureau lorsque j’étais seul ou en voiture (je mettais la radio). J’ai également décidé de ne pas trop tenir compte des maux de tête que j’avais de temps à autre et qui cessaient dès que j'arrêtais le processeur.

 

Avec trois séances d’orthophonie par semaine pendant un mois, les bips sont devenus des ding dong. Cette étape était importante car désormais je savais reconnaître les sons aigus des sons graves. Puis, j’ai entendu des sifflements. Et ensuite, j’ai entendu des mots et enfin des phrases. Mais ce n'était pas top pour deux raisons. La première, c'est que j'avais toujours le 1er réglage et je manquais de puissance et de sons aigus. La seconde, c'est qu'il fallait que je sois extrêmement concentré pour comprendre. Si je ne l’étais pas, je ne faisais qu'entendre du bruit.

 

Après un 2ème puis un 3ème réglage, j’ai décidé, en février 2014, de ne plus porter la prothèse auditive. Je commençais à avoir des vertiges car je n’entendais pas de la même façon des deux côtés. A ce moment là, je comprenais assez bien mon environnement, donc la décision s’est faite naturellement.

 

Ensuite, tout s’est accéléré. J’ai commencé à “ré-entendre” certains sons très agréables comme les oiseaux ou ma respiration et d’autres un peu moins agréables comme les portes qui grincent, ou les tic-tac des pendules. En plus, l’utilisation de la lecture labio-faciale est également devenue moins importante et j’avais également besoin de beaucoup moins de concentration pour comprendre les conversations. J’étais donc beaucoup moins fatigué.

 

Ensuite, j’ai commencé à suivre les conversations en milieu bruyant sans difficultés, à comprendre les informations à la radio, à comprendre la quasi totalité des échanges des films au cinéma (sans sous-titres) et à utiliser sans souci les audio-guides des musées (équipés ou non de boucle magnétique). Par contre, pour la musique, ce n’était pas terrible. Je n’appréciais plus ce que j’aimais avant.

 

Enfin, au début du mois de juillet, j’ai terminé mes séances d’orthophonie.

 

Je dois dire que j’étais épaté des résultats que j’obtenais avec une seule “oreille”, résultats qui étais supérieurs à ceux que j’avais avec deux prothèses auditives, même si la localisation des bruits et sons était délicate.

 

La bi implantation cochléaire

 

Lors de mon bilan des 6 mois, qui a eu lieu en juin 2014, j’ai échangé avec la chirurgienne qui m’avait opéré. Après deux nouveaux audiogrammes de mon côté implanté, dont un avec un sale bruit de fond, elle m’a dit que j’obtenais de superbes résultats et m’a demandé si j’étais partant pour une bi-implantation. Je lui ai répondu oui. Elle a été assez surprise car, sur Lille, beaucoup d’adultes n’étaient pas intéressés. Pour moi, c’était une évidence car j’avais toujours plus ou moins bien entendu avec deux oreilles.

 

A partir de ce moment là, la procédure a été lancée (présentation et proposition de mon dossier à l’implantation), les délais (opération en novembre ou décembre). Cette procédure était moins lourde que la première car j’avais déjà réalisé tous les examens.

 

Finalement, l’’opération a eu lieu le 15 janvier 2015 sur le même modèle que la première. Il y a eu trois différences notables. La première, c’est que je ne suis resté à l'hôpital un jour de moins (opéré le jeudi matin et sorti le samedi matin). La deuxième, c’est que j’ai plus facilement récupéré de l'anesthésie. Et la troisième, c’est que je n’ai eu aucune douleur post-opératoire, ce qui a énormément surpris les infirmières.

 

Deux semaines et demie après l’implantation et une très belle cicatrice, j’ai été activé. Contrairement à la première fois, j’ai commencé par entendre directement des sifflements et j’ai compris mon premier mot deux semaines plus tard.

 

Avec deux implants cochléaires

 

La rééducation de ma 2ème “oreille” a été plus longue que la 1ère. Elle a duré 11 mois (contre 7 pour la 1ère) et ce pour deux raisons. La première tient à mon “oreille” droite (la 1ère implantée). Elle a pendant assez longtemps vampirisé tous les sons que j’entendais. Quelque soit la provenance d’un son, je l’entendais d’abord côté droit. La seconde tient aux réglages effectués. De manière assez incompréhensible, le régleur (qui était le même que pour le 1er côté) s’est montré extrêmement frileux et je me suis retrouvé limité dans ma progression car les réglages étaient trop proches en terme de puissance.

 

Aujourd’hui, j’entends et je comprends encore mieux avec deux implants cochléaires. Je perçois toutes les fréquences. Je n’utilise plus beaucoup la lecture labio-faciale même si cela reste un réflexe (je ne dois plus m’en rendre compte comme avant). En plus, la localisation des bruits se fait désormais naturellement (et c’est l’un des grands plus de la bi-implantation). Et enfin, j’apprécie la musique que je découvre peu à peu. J’ai quelque 40 ans de culture musicale à rattraper !

 

Conclusion

 

Personnellement, je n’imaginais pas ne pas entendre. Je voulais continuer à échanger avec ma famille et mes amis. Je voulais continuer à travailler. Alors, le choix de l’implant cochléaire a été une évidence.

 

Par contre, je suis toujours aussi épaté par les résultats que j’ai obtenus. Je n’avais pas imaginé retrouver un tel niveau d’écoute et de compréhension. Bien sûr, cela a nécessité un travail régulier quotidien.

 

Mais, cela n’aurait pas été possible sans ma famille et mes amis qui ont accepté ce choix et m’ont soutenu.

Cela n’aurait pas été possible sans l’association CISIC qui m’a permis de découvrir l’implant cochléaire, de comprendre tous les aspects : médicaux, techniques et financiers et surtout de me rassurer.

Cela n’aurait pas été possible sans le service otologie du CHR de Lille de et de l’ORL qui m’a opéré.

Et enfin cela n’aurait pas été possible sans mon orthophoniste qui m’a boosté, aidé, rassuré, conseillé, guidé vers ce résultat. Même si elle m’a dit que j’ai été le moteur principal de ma rééducation, je sais que je lui dois énormément.


Voilà, j’espère que la lecture n’aura pas été trop rébarbative et que ce témoignage vous sera d’une certaine utilité.