"J’ai 43 ans , je suis née entendante , du moins on le suppose , ou bien il s’agissait d’une perte très légère qui serait passée inaperçue . J’ai commencé à souffrir d’acouphènes en 1981, juste après Noël. J’étais alors étudiante en première année d’orthophonie, mais oui !!!!"

Vous m’avez proposé plusieurs fois déjà d’apporter mon témoignage sur l’implantation cochléaire, si je ne l’avais pas encore fait, c’est sans doute que je n’étais pas prête à partager mon expérience pour le moins atypique.

J’ai 43 ans , je suis née entendante , du moins on le suppose , ou bien il s’agissait d’une perte très légère qui serait passée inaperçue .
J’ai commencé à souffrir d’acouphènes en 1981, juste après Noël. J’étais alors étudiante en première année d’orthophonie, mais oui !!!!
Un ORL consulté m’ a dit qu’il n’existait pas de traitement efficace pour cette pathologie , à l’époque on prescrivait l’Extovil comme remède miracle .Pas de contrôle auditif , des consultations régulières, mais pas d’amélioration, apparition d’insomnies , déprime , hypo-tension , malaises etc……..
Jusqu’en septembre 1983 , où rentrant de 2 mois de travail en tant que monitrice dans une colonie de vacances , je me suis rendue compte de l’aggravation de la gêne auditive . L’ORL la mettait sur le compte des acouphènes . En novembre 1983 , j’ai consulté le chef de service ORL à Lyon , qui était également directeur de l’école d’orthophonie .
Après un examen complet et un interrogatoire concernant mes antécédents familiaux , le diagnostic a été sans appel : surdité de perception bilatérale d’origine familiale plus que probable , dont l’apparition à 20 ans à peine laissait présager une évolution défavorable.
Le pronostic m’a été exposé d’emblée , peut-être parce que j’étais étudiante en orthophonie et que ma carrière professionnelle était en jeu . A ce moment la surdité était d’importance moyenne majorée à droite . J’ai été appareillée rapidement malgré la fluctuation de l’audition .
Contre toute attente , les professeurs de la Fac m’ont tous incitée à passer mon diplôme d’orthophoniste et à travailler dans le milieu de la surdité .
Ce que j ‘ai fait dès septembre1984 .
La surdité a continué à évoluer , surtout à droite , en 1987 j’avais une surdité profonde à droite , sévère à gauche . J’ai changé plusieurs fois de prothèses , j’ai travaillé la lecture labiale , que j’avais déjà un peu acquise spontanément .
Entre 1990 et 1992 , l’oreille gauche est passée aussi en surdité profonde , mais pendant longtemps j’arrivais encore à téléphoner un peu , bien que n’ayant des restes que sur les fréquences graves .
C’est en 1992 que l’on m’a proposé l’implant pour la première fois .Je ne m’y attendais pas du tout , je connaissais peu de choses sur l’implant , et je n’étais pas venue pour ça à la consultation !! J’ai donc refusé . Ma situation professionnelle s’est dégradée , et en 1993 j’ai eu en rééducation ma première petite patiente implantée : c’était une petite fille de 2 ans et demi atteinte de surdité profonde par CMV .
Elle était très mal sur le plan psychologique , pleurait beaucoup , ne souriait jamais , ne cherchait pas à communiquer .
Après l’implantation , elle a été transformée , elle s ‘est ouverte , a commencé à sourire , à échanger par les signes au début , puis s’est mise à gazouiller .
Et c’est elle qui m’a aidée à aller vers l’implant , non pas les discours un peu utopistes des médecins .
Les bilans ont eu lieu au cours de l’été 1993 , les tests électriques au promontoire que l’on faisait à l’époque montraient de meilleurs résultats à gauche . J’aurais souhaitée être implantée à droite pour préserver le peu qui me restait encore . Mais le chirurgien voulait que ça marche !!!! Il m’a donc implantée à gauche , le 5 janvier 1994 , avec un Nucleus CI22 .
Je suis restée un mois dans le silence total , puis le branchement a eu lieu . Je me rappelle avoir transpiré comme si j’avais fait une heure de footing , quand on m’a fait entendre le résultat , cela dépassait tout ce que j’avais pu imaginer .
Je n’entendais que des bruits métalliques étranges et très faibles , ressemblant à l’audition que l’on pourrait avoir des programmes de Canal Plus quand ils sont cryptés .J’étais embarrassée d’un boîtier , un câble allant du micro au processeur , j’avais bricolé une ceinture ventrale pour le fixer . L’été , avec la chaleur , ce n’était pas vraiment confortable , mais je m’en moquais , je voulais entendre .A l’époque , on recommandait de laisser tomber la prothèse contro-latérale pour ne pas interférer sur l’audition avec implant .
Je pense que mon métier d’orthophoniste a été une chance pour moi . Il m’a permis d’analyser mes perceptions , de trouver des exercices adaptés pour décrypter pas à pas ce que je recevais . Le travail a été long et fastidieux , il m’a fallu beaucoup de ténacité pour aller jusqu’au bout . Le passage du processeur MSP au SPECTRA m’a permis de franchir un cap et d’aborder l’usage du téléphone .
J’ai eu un très , très bon résultat!!!! Avec deux bémols !! Des troubles d’équilibre persistants et des acouphènes qui malheureusement ne m’ont pas quittée . J’ai eu la chance de rencontrer un psychiatre très au fait de la surdité , qui m’a aidée à surmonter ce handicap et apprendre à vivre avec .
J’ai gardé le boîtier pendant 8 ans, et quand l’Esprit 22 a enfin été commercialisé , j’ai entrepris des démarches auprès de l’AGEFIPH pour obtenir une participation au financement . Ayant un statut de travailleur handicapé , cela n’a pas posé de problèmes .Et là , la galère a commencé !!!! Un boîtier qui était constamment en panne , le changement de processeur devenait urgent , j’en avais assez du port du boîtier .
Le passage à l’Esprit 22 a été compliqué !!! Je n’ai pas eu de chance , ce changement est intervenu en même temps que des remaniements dans le service d’implantation où j’étais suivie . J’avais des seuils très hauts , le transfert de programme d’un processeur à l’autre n’a pas pu se faire .Il a fallu changer de mode de stimulation , j’ai perdu tous mes repères , au travail j’étais perdue , rien n’allait . Au début l’implant s’arrêtait à chaque bruit fort , les piles n’étaient pas assez puissantes .
En plus des acouphènes « habituels » , était apparu un bruit parasite métallique dont on ne parvenait pas à identifier l’origine .
Des examens ont été pratiqués , on ne trouvait rien , et j’ai alors pris conscience de la difficulté d’être dans le même service à la fois patiente et professionnelle. A l’époque le service dans lequel je travaillais m’amenait à rencontrer , en tant qu’orthophoniste, l’équipe d’implantation de manière fréquente. C’est le psychiatre qui le premier m’a mise en garde contre l’amalgame des deux situations.
J’ai donc pris la décision en 2003 de séparer vie privée et vie professionnelle pour que mes deux facettes, patiente et orthophoniste soient préservées .
Je me suis adressée à différentes équipes qui ont toutes refusé de reprendre mon dossier . Je suppose que ma profession y était pour quelque chose .
C’est l’équipe de Montpellier qui m’a chaleureusement accueillie , et je ne regrette pas mon choix , même si c’est au prix de multiples contraintes matérielles .
En 2003 , j’avais donc l’Esprit 22 , le réglages a été revu , il y avait un dysfonctionnement du processeur .
Les bilans suivants ont mis en évidence des performances qui commençaient à se dégrader .
En décembre 2005 , le bilan orthophonique révèle une dégradation importante , les résultats ont chuté de moitié .Un test d’intégrité des électrodes pratiqué en janvier 2006 montre un dysfonctionnement de la partie interne , je reçois des décharges électriques en permanence , je ne peux plus utiliser le téléphone, au travail cela devient de plus en plus dur .
En février , on a les résultats des examens , la partie interne n’est plus fonctionnelle , on a été obligé de désactiver un grand nombre d’électrodes qui étaient douloureuses , et malgré tout , toujours des douleurs .La réimplantation est décidée . Elle aura lieu à Montpellier le 20 mars 2006, du même côté pour préserver les chances de réussite .
A noter que depuis 2003 j’ai remis une prothèse à droite malgré un gain très faible .
Après l’opération , j’ai eu beaucoup de vertiges , des vomissements pendant 48h. Je suis sortie au bout de 3 jours , très vertigineuse et nauséeuse .
Le branchement a eu lieu le 11 avril 2006 avec un Nucleus Freedom , donc de dernière génération. J’étais bien consciente que les sensations seraient différentes à cause du changement d’électrode , de stratégie de codage ….. Mais lors du branchement , j’ai quand même été très surprise de ne rien retrouver de connu , et surtout de ne percevoir que du bruit!!!! Pas de différence entre le bruit et les voix . J’avais l’impression de vivre dans un univers fait de papier d’aluminium que l’on froissait à des intensités et à des rythmes différents .Très dur pour le moral surtout quand on envisage un retour à la vie professionnelle avec la possibilité de réaliser des bilans de langage et parole chez des enfants entendants !!!
Au bout d’un mois je n’avais pas démarré ,rien ne se passait , je commençais à percevoir et reconnaître les bruits environnants , mais pas les voix !!!!
J’ai donc passé la vitesse supérieure et j’ ai à nouveau entrepris un travail intensif de discrimination auditive , avec une orthophoniste mais surtout beaucoup avec l’aide de mon ordinateur !!!
Le démarrage a eu lieu en juillet avec une nette amélioration des scores aux bilans .
J’ai recommencé à utiliser le téléphone , ouf!!!
En septembre , j’ai repris mon travail , à mi-temps thérapeutique ce qui me permettait de poursuivre ma rééducation .Le bilan d’octobre montrait une progression plus lente mais encourageante .
En janvier j’ai repris un plein-temps, et là difficultés : j’ai du mal à suivre le rythme soutenu de la journée , cela demande une concentration maximale de chaque instant , d’où une grande fatigabilité , difficultés pour suivre les réunions malgré l’apport du système HF , des collègues qui bien qu’étant paraît-il sensibilisées au handicap ne parvienne pas à faire l’effort de parler distinctement , à une intensité suffisante !! Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés , je confirme!!! Les acouphènes sont encore plus présents en fin de journée , crises de vertiges qui ont tendance à se multiplier .
Un bilan a été réalisé la semaine dernière , il montre une stagnation des progrès , ce qui me place à un niveau moyen de réussite . J’ai abandonné la rééducation à la reprise du temps plein par manque de temps et de motivation après la journée de travail .
Je vais devoir la reprendre si je veux espérer atteindre une meilleure aisance dans la communication , sans lecture labiale , parce qu’avec la lecture labiale je me débrouille . Mais pour ma profession c’est insuffisant .
Le combat n’est pas terminé , j’espère bien gagner!!!!!

Voilà mon témoignage , peut-être un peu long , il ne peut sans doute pas être publié dans l’état , mais je voulais montrer que l’implant c’est génial , et j’y crois mais malheureusement , il y a des cas comme le mien où ce n’est pas magique et il faut une bonne dose de motivation pour continuer .
J’aurais souhaité assister à la réunion du 24 mars à Palavas , mais je travaille le matin et je suis loin !!! à une prochaine fois j’espère!!
Pour finir je voudrais dire que l’équipe de Palavas-Montpellier est formidable , tant dans sa compétence que dans la chaleur de son accueil . Le principe des séjours permet de rencontrer d’autres personnes , et ça fait beaucoup de bien!!!!